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peu nombreuse. Une collision s’engage, treize colons sont tués, cinq blessés; après l’action, Rauparaha et son complice Rangiliœata mettent à mort de sang-froid neuf prisonniers ; — le capitaine Wakefield était du nombre. A Nelson, chacun parle de poursuivre les meurtriers; mais à Wellington, les autorités, jugeant qu’on ne dispose point d’une force armée suffisante pour lutter avec avantage, obligent les colons à renoncer à la vengeance. Averti du désastre, le capitaine Fitzroy se rendit à Wellington et à Waïkanœ; ayant une entrevue avec Rauparaha, il lui fit de grands reproches de son crime et, magnanimité ou faiblesse, il l’assura de l’impunité. Le massacre de la Waïrau eut du retentissement en Europe; l’émigration d’Angleterre s’arrêta ; à Paris, des personnes charitables, assure-t-on, imaginèrent d’ouvrir une souscription afin d’offrir aux malheureux colons les moyens de retourner dans leur patrie; les principaux personnages de la Nouvelle-Zélande s’en trouvèrent fort humiliés.

L’action énergique de la compagnie de la Nouvelle-Zélande, les mesures rigoureuses de l’autorité, ne réussirent point toujours à empêcher les arrangemens particuliers. Le colonel Wakefield, croyant la vallée de la Wairrapa indispensable à la colonie de Wellington, voulut l’acquérir; il vint se heurter à des obstacles[1]. Différens agriculteurs louaient des terres aux indigènes. L’attention du gouvernement étant éveillée sur ce point, un arrêté porte défense à toute personne d’acheter ou de louer des terres aux Maoris. Malgré les ordonnances et les menaces, la vallée fut bientôt divisée en nombreuses parcelles que des colons tenaient directement des aborigènes en leur payant une rente annuelle. Dans l’impossibilité de jeter une foule d’individus dans la misère, il fallut laisser les occupans travailler en paix.

Durant quelques années, on voulut croire des Néo-Zélandais l’humeur guerrière calmée, l’énergie presque éteinte, la soumission à peu près complète. A son passage à la baie des Iles, le capitaine James Ross a vu, il est vrai, chez les Maoris, se manifester le mécontentement des effets du traité de Waïtangi et percer la haine contre les étrangers; il y a eu le massacre de la Waïrau, mais les colons ne semblaient point encore apercevoir tout le péril. Un chef très connu dans le pays, Hone Heki, avec une sombre audace, engage la lutte; il la soutiendra plusieurs années avec le courage d’un héros[2]. A sa révolte les Anglais attribuent des motifs tout personnels et d’un caractère mesquin. Furieux, disent-ils, de la disparition des bateaux de pêche depuis l’établissement de la douane, Heki se venge de ne plus pouvoir, comme autrefois, trafiquer de ses pourceaux, de ses

  1. C’était au commencement de l’année 1844.
  2. En général, les autours anglais écrivent Heke; l’orthographe ici adoptée paraît répondre mieux en France à la vraie prononciation.