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l’île Stewart[1]. Le 17 juin, au village de Hoiakaka, dans la baie Nuageuse[2], le major Thomas Burnburg et le capitaine Joseph Nias, commandant le Herald, annonçaient la cession de Te-Wahi-Pounamou, et par une salve de coups de canon saluaient la prise de possession de l’ile. Maintenant les Anglais estiment qu’ils sont bien en règle avec le droit. On plaisante au sujet d’une expédition partie des côtes de France, dont on annonce l’arrivée prochaine. On entendra des voix s’écrier : « Si la France était venue plus tôt, elle eût gagné une colonie valant cent fois l’Algérie[3]. »

Le baron de Thierry, qui avait suscité tant de colères parmi les Anglais de la Nouvelle-Galles du Sud et de la Nouvelle-Zélande, réclamait secours, aide, protection pour soutenir des droits contestés. Ses appels finirent par exciter en France quelque intérêt. La cause fut défendue avec chaleur par des organes de la publicité[4]. On voulait obtenir du gouvernement une action vigoureuse pour assurer à notre pays des terres favorables à l’établissement de colonies et au développement de la marine marchande. On exposait que la possession exclusive de la Nouvelle-Zélande par la Grande-Bretagne serait funeste aux autres nations maritimes. L’agitation qui s’entretenait en Angleterre pour déterminer une prise de possession au nom de la couronne avait répandu dans nos ports une certaine alarme. Des chambres de commerce manifestèrent les plus vives appréhensions; elles sollicitèrent des ministres de promptes décisions. — Il était trop tard.

Dans le dessein de fonder une colonie à la Nouvelle-Zélande, des armateurs et des banquiers constituèrent une société sous le titre de Compagnie nanto-bordelaise. Un capitaine au long cours, M. Jean Langlois, le principal agent de la compagnie, affirmait avoir acquis des aborigènes la propriété de la péninsule de Banks sur la côte orientale de l’île Te-Wahi-Pounamou. Des négociations s’engagent avec les pouvoirs publics et le ministre de la marine donne à la compagnie « l’assurance du juste intérêt du gouvernement du roi et de la protection efficace qui ne manquera pas d’être apportée à la réalisation du projet. » Ordre était déjà donné au préfet maritime à Brest de mettre la corvette l’Aube en parfait état pour une mission dans la Mer du Sud. A la date du 11 octobre 1839, un traité intervint entre le gouvernement et la compagnie nanto-bordelaise. Par une des clauses essentielles du contrat relatif à l’opération,

  1. Et ainsi du 34°30’ au 47"10’ de latitude australe.
  2. Cloudy-Bay.
  3. Littéralement... qui vaut cent Algéries... a Colony worth a hundred Algerias.
  4. On doit noter cependant que l’auteur d’articles remarquables sur la Nouvelle-Zélande, publiés dans le Journal des Débats, septembre 1839, n’estime pas que l’intervention du baron de Thierry puisse servir la France. Ces articles sont signés L.B.