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que le lieutenant-gouverneur craint un dénoûment contraire à ses espérances. «Renvoyez cet homme, s’écrie un des Maoris, regardant ses compatriotes; ne signez point le papier fatal. Si vous consentez à le faire, vous êtes réduits à la condition d’esclaves et obligés de casser des pierres pour les routes; votre pays vous est arraché, votre dignité comme chefs est anéantie. » Un autre Néo-Zélandais, sans doute gagné à la cause de la reine de la Grande-Bretagne, détermina un mouvement d’opinion. Celui-ci, exhortant ses compatriotes à signer, s’efforce de montrer combien s’est accrue l’importance des Maoris par leurs relations avec les Européens ; il rappelle que, n’ayant jamais su se gouverner eux-mêmes, les hommes de sa race étaient en guerres continuelles. Il conclut à ce qu’on reçoive l’Anglais et qu’on prenne confiance en ses promesses.

Les chefs néo-zélandais, au nombre de quarante-six, signèrent le traité de Waitangi ; le capitaine Hobson estima que c’était une reconnaissance bien suffisante des droits souverains de la reine sur les parties nord de l’île. Le 12 février, le lieutenant-gouverneur convoquait à Hokianga une grande assemblée des Maoris, afin d’obtenir une adhésion au fameux traité. Il subit de plus dures remontrances encore qu’à Waitangi; tout simplement, il attribue l’opposition des aborigènes à l’influence des missionnaires catholiques, sans s’inquiéter de savoir si une pareille idée a le moindre fondement. Il finit par décider la plupart des chefs à mettre leur signature; sa joie est complète. Peu de jours après, le capitaine Hobson étant tombé malade à Waïtemata dut revenir à la baie des Iles. A sa place, le capitaine Symonds, de l’armée britannique, accompagné de quelques missionnaires, ira demander aux chefs de toute l’île du Nord la soumission à l’autorité de la reine Victoria. Une exception est faite pour le district de Kaïtaia, situé à l’extrémité de la côte nord-ouest, où des chefs ont une véritable puissance; à son secrétaire, M. Shortland, assisté de deux fonctionnaires et du révérend Richard Taylor, le lieutenant-gouverneur réservait le soin de les endoctriner. Le clergé et les membres de la compagnie territoriale n’étant pas en bons rapports, les autorités anglaises eurent sans peine un concours empressé de la part des ministres de l’église. Le major Burnburg reçut la mission d’aller sur la corvette le Herald porter aux lieux habités les instructions du gouverneur. L’indépendance que s’arrogeait la colonie du Port-Nicholson détermina M. Hobson à prendre une grave résolution, sûr de n’être pas désavoué par son gouvernement. A la date du 21 mai 1840, feignant de croire certaine l’adhésion de la plupart des chefs maoris, il lançait une proclamation déclarant la souveraineté de la couronne d’Angleterre étendue aux parties australes de la Nouvelle-Zélande : l’île du Milieu et