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Hongi et Waïkato, constatant l’importance de ses possessions, l’avaient engagé à venir promptement en leur île, qu’on le reconnaîtrait comme maître. Il n’en avait pas fallu davantage au baron pour se croire souverain de la Nouvelle-Zélande.

S’il s’était hâté d’accourir, peut-être eût-il été roi; les moyens manquaient sans doute. A la date du 2 décembre 1823, il écrit au ministre, lord Bathurst, demandant l’appui du gouvernement britannique pour une entreprise de colonisation au pays de ses rêves. Toute réponse sembla inutile; la Nouvelle-Zélande passait pour état indépendant. Au mois d’avril 1825, il tourne ses visées du côté de la France et s’adresse à la fois au ministre des affaires étrangères et au ministre de la marine. Il désire une frégate, des bâtimens de transport, le titre de gouverneur, une rémunération qui l’indemnise de ses peines et du prix de ses terres. Que l’on accueille ses prétentions, il promet de fonder une belle colonie. Selon toute vraisemblance, on va étudier la question. Il s’agit bien d’étude, le directeur des colonies juge simplement en son esprit que, les Anglais s’étant montrés indifférens, il ne doit pas y avoir d’avantages à tirer de la Nouvelle-Zélande[1]. Néanmoins, paraît-il, on eut l’idée d’accorder les bâtimens, mais de ne prendre aucun engagement à l’égard du titre ou des indemnités. Des avis défavorables sur le baron firent tout abandonner.

Plus tard, M. de Thierry disait avoir dépensé sa fortune pour acheter des navires, pour attirer des émigrans, pour se procurer les objets nécessaires à de vastes installations. A un moment, on le rencontre à la Martinique, ses ressources épuisées, contraint de vivre avec sa famille d’une petite industrie. Il fera bien des étapes encore avant d’atteindre la terre qui ne lui réserve que déceptions ; il ne cesse d’y songer et de loin réussit presque à la faire trembler. On a vu, sous la menace d’une revendication, le résident britannique à la baie des Iles, de concert avec les membres de la mission, provoquer d’une façon singulière une déclaration d’indépendance des tribus de la Nouvelle-Zélande. Le baron Charles de Thierry, se qualifiant chef souverain de la Nouvelle-Zélande et roi de Noukahiva[2] avait fait parvenir l’assurance formelle de son intention de venir bientôt établir sa souveraineté dans le pays. Il annonçait avoir notifié son projet au roi de la Grande-Bretagne, au roi de France et au président des États-Unis. M. de Thierry ne se montre nullement avare de promesses. A chaque pasteur évangélique il offre un traitement pécuniaire ; tous. Européens et Maoris, qui voudront vivre sous sa loi seront heureux. A l’heure actuelle, il

  1. M. de la Reinty.
  2. Une des îles Marquises.