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serviteurs. Des coups de feu avaient été tirés, M. Busby accourut afin de porter secours à sa famille; une balle frappa la porte, des éclats de bois furent projetés au loin. M. Busby eut le visage ensanglanté; les bandits s’enfuirent avec leur butin. Le crime demeura impuni.

À cette époque, si au nord, où la population indigène avait considérablement diminué depuis une quinzaine d’années, existait une sorte de sécurité pour les étrangers, en d’autres parties de la Nouvelle-Zélande, les Européens étaient parfois encore exposés aux attaques des insulaires. Un fait qui eut des conséquences particulièrement graves mérite d’être rapporté. Un baleinier à destination de la baie Nuageuse[1],s’étant perdu sur la côte occidentale de l’île du Nord, près la baie de Taranaki, plusieurs hommes de l’équipage furent tués par les naturels. On envoya un bâtiment de la marine royale tirer vengeance du forfait. Maltraités par les Anglais, pourchassés par les tribus des rives de la Waikato, les habitans de la baie de Taranaki prirent le parti de décamper. Se dirigeant vers le sud, ils atteignirent le détroit de Cook et s’arrêtèrent à l’endroit qu’on appelle maintenant le port Nicholson. Le premier navire qui visita le port était un brick de commerce venant de la Nouvelle-Galles ; le capitaine entra en relations avec la tribu fugitive et consentit à la transporter à l’île Chatham. Comptant sur un profit, il s’arrangea de façon à prouver au besoin que les naturels avaient saisi son navire en l’obligeant à les conduire où ils le désiraient. En deux voyages il porta environ cinq cents individus à l’île Chatham, hommes, femmes et enfans. Aussitôt arrivés, les Néo-Zélandais commencèrent le massacre des habitans de l’île, les insulaires qu’on nomme les Morioris, et mangèrent nombre de victimes. Il existait à peu près deux mille Morioris, il n’en resta guère plus de cent cinquante ayant chaque jour à supporter les mauvais traitemens de leurs cruels oppresseurs. Ce sont ces Néo-Zélandais, devenus les maîtres de Chatham, qui, un peu plus tard égorgèrent le capitaine et les matelots du baleinier français le Jean-Bart.

Mécontens de la situation générale et redoutant peut-être l’entreprise hardie d’un homme portant un nom français, les missionnaires songeant à prendre la direction des affaires, eurent une pensée lumineuse ; constituer la Nouvelle-Zélande en état indépendant ; le résident, M. Busby, était gagné à leur cause. Si Kororarika inspirait une sorte d’horreur, cette bourgade n’était pas toute la Nouvelle-Zélande. En plusieurs endroits des Maoris élevaient des édifices ou cultivaient la terre; ceux-ci étaient convertis au christianisme. Les enseignemens religieux les avaient préservés des

  1. Cloudy-Bay.