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l’Angleterre avait eu seule un intérêt à la faire supprimer et que la France avait été prise au piège ; que d’ailleurs les nouveaux traités seraient violés dès qu’il y aurait une guerre générale. L’année suivante, pendant la guerre de sécession, Jefferson Davis, autorisé par le congrès de Montgomery, accorda des lettres de marque à un certain nombre de corsaires, et le président de l’Union américaine reçut du congrès fédéral l’autorisation d’en accorder à son tour. Bien plus, au lendemain de la guerre franco-allemande, on voit se former dans le parlement anglais un parti qui, loin de rattacher, comme M. Giraud, l’abolition de la com*se à la politique des intérêts britanniques, regrette amèrement cette abolition. M. Bentinck, dès le 21 avril 1871, propose qu’on révise en ce point la déclaration de 1856 : sa motion est combattue par M. Gladstone, et il n’y est pas donné suite. Mais, le 17 juillet 1876, lord Denbigh demande de nouveau s’il ne serait pas opportun de revenir sur cette partie de la déclaration, « qui lie le bras droit de l’Angleterre. » La motion n’est retirée que sur les instances du gouvernement. Enfin M. Percy Wyndham la reproduit, sous une forme plus générale, le 3 mars 1877, en soutenant que le refus d’adhésion d’importantes puissances, telles que l’Espagne et les États-Unis, infirme la déclaration, même dans les rapports réciproques des gouvernemens signataires, et que la Grande-Bretagne est dégagée.

Cette fois, la proposition ne fut pas retirée ; mais elle ne rallia que 56 voix. Le sous-secrétaire d’état Bourke, après avoir rappelé que rétablir la course, c’était reconstituer la guerre individuelle à côté de la guerre régulière faite de peuple à peuple, démontra que ce revirement serait avant tout funeste à l’Angleterre, dont les bàtimens et les marchandises sont disséminés dans le monde entier. Au demeurant, la cause du progrès prévalut et l’on peut croire qu’elle a prévalu définitivement en Europe, quoiqu’il faille bien réserver, ainsi que l’a fait M. Bourke lui-même en mars 1877, l’hypothèse d’une guerre entre une des puissances signataires de la déclaration et l’une de celles qui n’y ont pas adhéré. Mais tel est déjà l’empire des nouvelles idées et des nouvelles mœurs internationales que le gouvernement russe, prescrivant par un ukase du 4 juin 1877 d’observer la déclaration de 1856, ajoutait : « Ces dispositions sont applicables à toutes les puissances, sans excepter les États-Unis et l’Espagne, qui jusqu’à présent n’ont pas adhéré à cette déclaration.» La course proprement dite est rayée du droit public européen.

Toutefois quelques publicistes se sont demandé si l’Europe ne va pas rétablir indirectement et sous une force déguisée l’usage qu’elle avait formellement proscrit. Un décret du roi de Prusse du 24 juillet 1870 fit appel aux armateurs pour la formation d’une seewehr volontaire, qui n’exista sans doute que sur le papier, mais