Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

massacrer les Chinois inoffensifs, ne légitima pas davantage, aux yeux du monde civilisé, le pillage ou l’incendie, et c’est avec raison que notre envoyé extraordinaire, le baron Gros, déclina la responsabilité de tels actes. On peut constater cette fois, à côté d’inévitables transgressions, un progrès réel du droit international.

C’est au mouvement de l’opinion publique, déterminé par l’effort continu des publicistes, qu’il faut attribuer la convention du 22 août 1864, signée à Genève par le grand-duché de Bade, la Belgique, le Danemarck, l’Espagne, la France, la Hesse, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Prusse, la Suisse et le Wurtemberg, plus tard acceptée par les États-Unis, l’Autriche, la Suède et la Norvège, la Russie, etc. Plus on s’attachait à proclamer que la guerre ne se fait pas entre les particuliers, mais entre les états, plus il sembla nécessaire de régler et d’améliorer le sort des militaires blessés sur les champs de bataille. La convention de Genève neutralisa les ambulances et les hôpitaux militaires, pourvu qu’ils ne fussent pas gardés par des troupes armées, étendant l’immunité de capture à l’habitant du pays qui porterait secours aux blessés, dispensant même du logement des troupes et d’une partie des contributions de guerre celui qui les aurait recueillis dans sa maison, ordonnant enfin qu’ils fussent recueillis et soignés sans distinction de nationalité. Pour protéger plus sûrement les hôpitaux et les ambulances, elle décida qu’ils seraient couverts par un pavillon distinctif et uniforme : la croix rouge à quatre branches sur champ blanc. Un brassard analogue dut être porté par le personnel médical et hospitalier. Le matériel des ambulances devint insaisissable. Enfin les blessés qui, après guérison, seraient reconnus incapables de servir, durent être renvoyés dans leur pays; les autres purent être également renvoyés, à la condition de ne pas reprendre les armes pendant la durée de la guerre, et il fut entendu que les évacuations seraient couvertes par une neutralité absolue. Le progrès est irrécusable, en dépit des incidens que suscita la guerre franco-allemande. On sait que M. de Bismarck, à l’appui d’une circulaire du 9 janvier 1871, cita trente et un cas d’hostilités dirigées par nos troupes contre des médecins et des chirurgiens; M. de Chaudordy, dans une dépêche du 25 janvier, soutint, de son côté, que la Prusse s’était servie plusieurs fois de la croix rouge pour couvrir ses convois et que des chirurgiens français avaient été tués jusque dans les ambulances. Il était d’ailleurs attesté par des documens officiels que deux ambulances françaises, au début de la guerre, avaient été capturées sur le champ de bataille avec tout leur personnel. C’est pourquoi le comité international de secours aux militaires blessés a proposé, en janvier 1872, de constituer en cas de guerre un tribunal arbitral de cinq membres, dont deux seraient nommés par les belligérans, trois par les puissances neutres,