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Louis me parla ; j’entrai en rapport avec Arsène Houssaye, et il fut convenu que lui, Théophile Gautier, Louis de Cormenin et moi, nous devenions, sous certaines conditions, propriétaires du titre, que nous ferions paraître la nouvelle Revue de Paris tous les mois, que nous nous réunirions en comité pour juger, accepter ou refuser les articles proposés et que tous les quatre nous signerions les numéros en qualité de gérans responsables ; le premier fascicule devait être publié le 1er octobre 1851. On se frappa dans la main, et l’affaire fut conclue.

Les écrivains se divisent en deux classes : ceux pour qui la littérature est un moyen, ceux pour qui la littérature est un but. J’appartenais, j’ai toujours appartenu à cette seconde catégorie ; je n’ai jamais demandé aux lettres que le droit de les aimer et de les cultiver de mon mieux ; aussi j’obtins que nulle question politique ne serait traitée dans la Revue de Paris ; le champ de la littérature exclusivement littéraire était assez large pour nous fournir une moisson sérieuse ; en outre, voulant éviter toute réclame pour nous-mêmes, je fis décider qu’il ne serait question de nous, sous aucun prétexte, dans le recueil qui nous appartenait. Cette clause de nos conventions fut respectée, et notre nom ne figura jamais dans la Revue de Paris qu’à la suite de nos articles. Notre organisation était défectueuse ; un comité, si plein de bonnes intentions qu’il soit, ouvre la porte à trop d’influences ; la camaraderie parvient à s’y glisser et les médiocrités entrent avec elle. La direction d’une revue doit être une et appartenir à un homme qui aime la littérature, mais n’en fait pas. Faute de savoir cela, et pour bien d’autres causes encore, les écoles ne nous ont pas été épargnées. Nos ambitions, du reste, n’avaient rien d’excessif : nous ne rêvions pas de nous substituer aux autres recueils connus ou célèbres ; nous ne demandions qu’une place, et nous estimions qu’elle était due à notre bon vouloir. De même que l’Odéon subsiste à côté de la Comédie-Française, nous pensions que la Revue de Paris pouvait vivre, sans rivalité, auprès et en-deçà de la Revue des Deux Mondes ;, nous, nous considérions comme le gîte de la première étape et nous avons toujours souhaité bonne fortune aux voyageurs de lettres qui, après avoir été hébergés dans notre petite maison, nous ont quittés pour mieux poursuivre leur route et monter plus haut. Entre le point de départ et le point d’arrivée, il y a bien des haltes ; nous en étions une, et nous l’avons rendue aussi hospitalière que possible.

Notre association fut éphémère. Arsène Houssaye se retira le premier après m’avoir cédé la propriété exclusive du titre ; puis Théophile Gautier nous quitta, et enfin Louis de Cormenin, dont la retraite me fut pénible. À Arsène Houssaye et à Théophile Gautier avait succédé Laurent-Pichat, qui acquit la moitié de la propriété. Tous