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Il ne restait plus qu’une seule affaire à traiter, — à la vérité c’était la plus grande, — la question toujours pendante du rétablissement des anciennes franchises. Effectivement, dès que tout ce qui regardait l’insurrection eut été réglé, la discussion fut reprise sur la réponse à faire au message de la reine et sur les nouvelles concessions qu’il fallait exiger d’elle; mais, bien que le débat fût encore soutenu avec insistance et même avec chaleur par bon nombre d’orateurs attardés, il fut évident tout de suite que l’ardeur générale était tombée et que l’attention distraite se portait ailleurs. Les idées belliqueuses remplissaient tous les esprits, et chacun était pressé de retourner chez soi pour veiller à l’équipement de sa compagnie. Une proposition qu’un membre eut le malheur de faire, tendant à surseoir à l’armement de la nation jusqu’à ce qu’on eût vaincu la résistance royale, fut repoussée avec indignation. La reine, de son côté, satisfaite qu’on eût renoncé à lui faire violence, se décida gracieusement à d’assez larges sacrifices et on tomba d’accord d’un compromis rédigé en soixante-dix articles qui étendait les droits des états sans désarmer absolument la couronne et qui est resté pendant plus d’un siècle la charte de la monarchie hongroise.

Si la sage princesse pensa que l’abandon de quelques-unes de ses prérogatives était compensé par l’ascendant moral qu’elle avait su conquérir, elle avait raison et voyait juste, même pour un long avenir et pour sa postérité. Grâce à cette condescendance aussi politique que généreuse, le respect de la dynastie est resté uni dans le cœur de la race hongroise avec l’amour passionné des libertés publiques, et les deux sentimens se rattachent encore aujourd’hui au même souvenir et à la même date. Nous avons vu, de nos jours, un petit-fils de Marie-Thérèse assez mal conseillé pour essayer de porter atteinte à l’indépendance de la Hongrie et bientôt contraint de la rétablir. Si cette tentative maladroite, suivie d’un tel aveu d’impuissance, n’a pas ruiné le fondement même de son autorité royale, c’est que la noble figure de son aïeule, planant au-dessus de cette libre contrée, y est restée vivante dans toutes les imaginations.

Les débats de la diète, close le 7 octobre, n’avaient pas duré moins de trois mois. Voltaire, dans le Précis du siècle de Louis XV, en a résumé les péripéties dans une demi-page, et son récit, frappé comme une médaille, a circulé en quelque sorte de main en main, textuellement reproduit par tous les narrateurs qui sont venus après lui. Je me permettrai d’engager ceux qui ont eu la patience de me suivre dans l’exposé beaucoup plus long que je viens de faire, à comparer ce passage fameux avec l’exacte vérité qui est maintenant sous leurs yeux. S’ils sont curieux de pénétrer dans les secrets