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propositions rejetées... Tout est fini; venez me voir; je suis très abattue ; mais ne faites point semblant à mon vieux. » C’est Bartenstein qu’elle appelait ainsi[1].


II.

C’était donc bien décidément la guerre, et elle était même déjà commencée avec un heureux mélange de prudence et d’énergie où l’on sentait l’action personnelle de Belle-Isle. Dès le 31 juillet, l’électeur de Bavière, après s’être rendu maître par une attaque improvisée de la ville de Passau, dans la Haute-Autriche, y attendait les troupes françaises, qui commencèrent à défiler du côté du Rhin, dans les premiers jours d’août. Dans l’état de susceptibilité où de fâcheux souvenirs avaient laissé les populations allemandes, ce fut un moment critique que celui où une armée française dut mettre le pied sur le sol germanique. L’opinion était très émue; des pamphlets circulaient dans lesquels on dénonçait l’ambition héréditaire de la maison de Bourbon, et où Louis XV était accusé, soit de vouloir démembrer le territoire de l’empire, soit de prétendre imposer de force un choix aux électeurs, soit même d’aspirer à monter de sa personne sur le trône impérial. Pour peu que l’alarme fût devenue générale et eût coïncidé avec la session régulière de la diète de Ratisbonne, l’assemblée fédérale, sortant de sa torpeur accoutumée, pouvait être poussée à déclarer que le conflit intéressait non-seulement les parties belligérantes, mais l’empire tout entier, et à donner ordre aux présidens de cercles d’armer leurs contingens. Une démonstration de ce genre, que les agens de Marie-Thérèse ne cessaient de réclamer, quoique sans grande conséquence matérielle, aurait eu le plus fâcheux effet-moral. C’est à quoi avait pensé et pourvu Belle-Isle, et à force de chercher un prétexte honnête pour motiver les mouvemens militaires qu’il devait commander, il avait fini par s’arrêter à celui-ci, qui, n’ayant pas grande valeur au fond, sauvait au moins l’apparence. La France déclarait non-seulement ne poursuivre aucun but d’ambition personnelle, mais même ne pas faire la guerre pour son compte à la reine de Hongrie ; elle ne se prononçait pas sur la légitimité des prétentions de l’électeur ; mais elle se croyait obligée par des engagemens d’honneur et de parenté à ne pas laisser périr la maison de Bavière, et elle prenait les devans pour préserver Charles-Albert contre les mauvaises chances de son entreprise. Les soldats français n’étaient donc que les auxiliaires de l’armée électorale, et, pour mieux leur conserver ce caractère, l’électeur restait généralissime

  1. D’Arneth, t. I, p. 395.