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à M. Labordère. Il n’hésitera sûrement pas devant tout ce qui peut raffermir la discipline et le bon esprit de l’armée. Seulement M. le général Campenon, dans son ministère, ne suffit pas; il a évidemment besoin de se sentir appuyé. C’est en un mot toute une œuvre de gouvernement autant qu’une œuvre militaire, et ici justement revient cette question supérieure de la direction des affaires, telle que M. le président du conseil la comprend, telle qu’elle peut apparaître à travers les actes contradictoires d’un ministère qui n’a que six semaines d’existence.

Tout est là, en effet, et M. le président du conseil ne peut s’y méprendre. Il sait, à n’en pas douter, qu’il joue une grosse partie pour lui-même comme pour la république qu’il représente aux affaires, comme pour le pays qui l’attend à l’œuvre. Assurément M. Gambetta est arrivé au pouvoir dans les conditions les plus favorables, ayant assez de popularité et d’ascendant pour tenter ce que d’autres n’oseraient pas. Tout dépend de la manière dont il se dégagera de cette confusion qui a été la première faiblesse d’un ministère médiocrement composé. M. Gambetta a sans doute montré, lui aussi, qu’il ne redoute pas la responsabilité, Il n’est point étranger, cela va sans dire, aux choix de M. le ministre de la guerre. Il n’a point hésité, pour sa part, à replacer M. Roustan à Tunis, au lendemain d’un procès par lequel on croyait l’avoir atteint lui-même. Il n’a pas craint d’envoyer M. de Chaudordy comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg, en même temps qu’il a envoyé M. de Courcel comme représentant de la France à Berlin. Il a fait quelques autres nominations assez inattendues qui ont provoqué plus d’un commentaire, et qui, dans tous les cas, prouvent que le chef du cabinet est sans préjugés. Il étonnera peut-être encore le monde, il n’y regarde pas de si près, soit. Malheureusement, avec tous ces choix que démentent d’autres choix, qui, en se contredisant, finissent par n’avoir plus de sens, on ne sait plus bien où l’on va. Ce serait là le plus vain et le plus trompeur des systèmes si tout se réduisait à une sorte de ralliement de quelques hommes. M. Gambetta, cela est certain, se ferait la plus singulière des illusions s’il espérait trop d’une distribution plus ou moins habile des fonctions, s’il croyait pouvoir se tirer d’affaire en se créant, d’un côté, des amis ou des cliens par des faveurs et en ménageant, d’un autre côté, les partis les plus avancés par sa politique, par la révision constitutionnelle, par des réformes auxquelles il n’attache peut-être pas lui-même un grand prix. Le résultat le plus sensible de ce système est de laisser l’opinion indécise jusqu’à ce moment de la session prochaine où l’on pourra mieux voir et ce que veut réellement M. le président du conseil et le degré d’appui qu’il trouvera dans le parlement.

Cette année qui finit, elle n’a été sans doute ni pour la France ni