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que deux des plus éminens parmi les adversaires du cabinet, M. Minghetti et M. Sella, avaient estimé, le premier à 11 millions, le second à 10 millions la plus-value normale des recettes d’une année à l’autre. Analysant une à une les plus-values données dans les quatre exercices précédens par chacune des branches du revenu, il établissait que l’ensemble de ces plus-values n’avait jamais été inférieur à 12 millions. Déduisant li millions pour l’accroissement présumé des frais de recouvrement et les augmentations à prévoir dans les dépenses de personnel, il se contentait d’une plus-value moyenne de 8 millions ; cette plus-value suffisait pour que tous les budgets, y compris celui de 1884, se soldassent avec un excédent de recettes.

L’avenir des finances ne pouvait donc point être compromis par la réforme que le cabinet proposait : si cette réforme ne s’accomplissait pas, le produit du droit sur la mouture viendrait s’ajouter aux excédens de recettes de chaque année et les porterait à un chiffre élevé. M. Magliani demandait à ses adversaires ce qu’ils feraient de ces excédens de recettes. Le ministre des travaux publics ne pouvait plus, comme par le passé, s’en emparer pour les appliquer à la construction des chemins de fer ; dans l’intention de rendre plus rigoureux et plus complet le contrôle financier du parlement, la loi de décembre 1879, qui avait ajouté un réseau complémentaire aux lignes déjà classées, avait interdit cette application des excédens présumés du budget, et spécifié que toutes les dépenses en travaux neufs seraient imputées sur le budget extraordinaire. Il ne demeurait donc, pour les excédens à prévoir, que deux affectations possibles : ou la réduction de la dette flottante ou la réforme des impôts. Y avait-il un avantage sérieux à accélérer la réduction de la dette, lorsqu’on avait déjà inscrit au budget des sommes considérables pour l’amortissement? « N’avons-nous pas, demandait M. Magliani, des devoirs envers les contribuables? N’est-il pas temps d’avoir égard à leur fardeau ? Le jour ne se lèvera-t-il jamais où nous pourrons songer à abolir quelque impôt trop lourd, trop détesté, qui pèsera lourdement sur la population pauvre et sur le travail? Ne voudrons-nous jamais, malgré le devoir rigoureux qui nous incombe, résoudre aucune grande question de justice sociale? » Reprenant ensuite les critiques qu’il avait déjà adressées à l’impôt sur la mouture, le ministre démontrait que supprimer les impôts oppressifs jet antiéconomiques, réformer les taxes mal assises ou d’une perception trop onéreuse, affranchir le travail et l’industrie de charges excessives et d’entraves fiscales, et faciliter l’essor de la richesse publique, c’était apporter au fardeau des contribuables un allégement plus réel que celui qui pouvait résulter d’une légère réduction