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savoir s’il est, assez prévoyant et s’il aura assez de volonté pour se dégager des influences qui un jour ou l’autre le conduiraient à un échec définitif.

La France n’est point après tout aujourd’hui la seule nation qui ait ses embarras et ses confusions. Les affaires de l’Europe restent passablement obscures, et toutes les politiques en sont à résoudre de laborieux problèmes ou à chercher leur voie.

S’il y a de l’incertitude en Europe, elle tient sans doute en partie à ces problèmes intérieurs qui embarrassent les plus grands pays, qui réagissent souvent sur leurs relations, et elle tient aussi à une situation plus, générale où les bouleversemens internationaux, les révolutions diplomatiques ont accumulé les incohérences.. Les événemens qui se sont succédé depuis vingt ans ont créé ces conditions mal définies où toutes les combinaisons s’essaient tour à tour, où les alliances se nouent et se dénouent selon les circonstances, où il n’y a de clair et de saisissable qu’un désir assez général de paix tempéré par un sentiment vague d’instabilité dans tous les rapports. Un jour, on a vu se produire ce qu’où appelait l’alliance des trois empereurs du Nord ; puis cette alliance a disparu, elle a été à peu près dissoute par la dernière guerre d’Orient et elle a été remplacée par l’alliance plus restreinte des deux empereurs d’Allemagne et d’Autriche, un peu contre la Russie. Il n’y a que quelques mois, le nouveau tsar, Alexandre III, est allé à Dantzig visiter l’empereur Guillaume avec l’intention évidente de faire revivre l’ancienne alliance, et le nouveau ministre des affaires étrangères d’Autriche, le comte Kalnocki, s’emploie en ce moment, à ce qu’il paraît, à compléter ce rapprochement en préparant une entrevue de l’empereur François-Joseph avec Alexandre III. D’un autre côté, l’Italie, dans un moment de mauvaise humeur contre la France, veut à son tour entrer dans les grandes combinaisons. Le roi Humbert est allé avec apparat à Vienne ; il n’est pas allé jusqu’à Berlin, sous prétexte que c’était inutile, que ce qui était fait à Vienne serait ratifié à Berlin, et maintenant, dit-on, le roi Humbert recevrait prochainement la visite de l’empereur François-Joseph à Turin, La politesse sera rendue ; ce sera, si l’on veut, la suite de la démonstration.

Ce qui sortira en définitive de ce travail confus de négociations et d’entrevues impériales ou royales, on ne peut à coup sûr le dire, d’autant plus que les apparences sont souvent décevantes. L’Italie en fait peut-être aujourd’hui l’expérience, — sans attendre la visite de l’empereur François-Joseph à Turin. Évidemment les Italiens ont mis des intentions très profondes dans le voyage organisé pour leur souverain à Vienne, et ils s’en promettaient de grands résultats. La question est justement de savoir quels sont cep résultats, ce qui reste du voyage du roi