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Quelques théoriciens de l’art ont soutenu cette thèse qu’il n’y aurait point, à proprement parler, de division tranchée entre le grand art et l’art décoratif ou même industriel, mais qu’insensiblement, toutes les parties de l’art étant solidaires, le grand art, sous la seule condition du génie de l’artiste, se dégageait naturellement de l’art industriel comme de son enveloppe. À l’appui de leur opinion, ils invoquaient ces temps heureux de l’histoire de l’art où la poterie grecque marquait ses œuvres au coin de la même élégance ou de la même beauté sévère que la statuaire elle-même des Phidias ou des Praxitèle, ces temps encore où Benvenuto Cellini n’était pas plus fier d’avoir conçu son Persée que de l’avoir pu couler en bronze, ces temps enfin où l’on retrouvait dans l’ameublement et le costume français le même air de dignité de convenance, de majesté que dans la peinture de Lebrun ou de Poussin. Si nous entendons bien cette Grammaire des arts décoratifs, ce doit être aussi là l’idée de M. Charles Blanc. Il ne resterait plus qu’à la discuter.

Les livres d’histoire proprement dits ne sont pas nombreux cette année. En dehors de ceux que nous avons cités plus haut, nous ne voyons guère que l’Histoire des Romains[1], de M. Victor Duruy, œuvre considérable à laquelle plusieurs fois nous avons rendu justice et qui méritera, quand elle sera terminée, que quelqu’un la tire du nombre des livres d’étrennes pour l’étudier et l’apprécier à loisir. Nous regretterons que l’on n’ait pas publié dans les mêmes conditions de luxe typographique l’Histoire de France[2], de Michelet, mais telle en est la valeur, à tous égards, — nous parlons des premiers volumes et nous arrêtons l’expression de notre admiration au seuil du xviie siècle, — telle en est la valeur, que nous ne saurions trop en recommander cette édition nouvelle. Même disette aussi de livres scientifiques que de livres d’histoire. Voici pourtant le deuxième volume du Monde physique[3] de M. Amédée Guillemin, et voici les Étoiles et les Curiosités du ciel[4] de M. Camille Flammarion. M. Camille Flammarion déborde d’enthousiasme astronomique. Par exemple, il glisse quelquefois au milieu de ses descriptions des anecdotes qui n’ont que faire avec son sujet, et la difficulté des transitions ne l’embarrasse guère. Avec cela, son livre, et quoique l’illustration bisse assez à désirer, n’en est pas moins un livre facile à lire et riche de renseignements de toute sorte.

La place va nous manquer : cependant nous nous reprocherions

  1. Histoire des Romains, t. IV, par M. Victor Duruy, 1 vol. in-8o ; Hachette.
  2. Histoire de France, par J. Michelet, 1 vol. in-8o ; Hetzel.
  3. Le Monde physique, par M. Amédée Guillemin, t. II, la Lumière et la Chaleur ; 1 vol. in-8o ; Hachette.
  4. Les Etoiles et les Constellations du ciel, par M. Camille Flammarion, 1 vol. in-8o ; Marpon et Flammarion.