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l’influence des révolutions des mœurs sur l’évolution de l’art ou encore une histoire de l’art déduite pour ainsi dire de l’histoire des mœurs.

Si cependant notre vœu ne devait pas se réaliser, voici du moins quelques livres qui se présentent à nous comme autant de fragmens de cette histoire. En premier lieu, l’Histoire de l’art dans l’antiquité[1], par MM. George Perrot et Charles Chipiez. Nous n’en avons encore que le premier volume, consacré tout entier à l’histoire de l’art égyptien. Les autres, — à travers l’Assyrie, la Perse, l’Asie-Mineure, la Grèce, l’Étrurie, Rome enfin, — nous conduiront jusqu’aux naïfs débuts de l’art chrétien. Cette seule indication suffit à donner une idée de ce que sera l’ouvrage, de la simplicité de son plan comme de l’ampleur de ses proportions. Ajoutez encore la réelle hardiesse de l’entreprise, en songeant qu’ici le cadre n’est pas donné comme il le serait pour une Histoire universelle, par exemple ou, comme il l’était pour la Géographie de M. Reclus, puisque enfin l’Égypte, l’Assyrie, l’Asie-Mineure, l’Étrurie n’ont été vraiment découvertes que de nos jours, puisque au temps de Winckelmann, de qui d’ailleurs MM. Perrot et Chipiez s’honorent de relever, les époques de l’art grec lui-même étaient pitoyablement confondues, et puisque à peine savait-on distinguer les originaux helléniques des répétitions que la piété fastueuse des Romains de l’empire avait multipliées dans ses temples. Le reste, je veux dire le détail de l’exécution, les lecteurs de la Revue savent déjà, par quelques chapitres, dont ils ont eu la primeur et que M. Perrot a depuis refondus dans son livre, ce que les auteurs de l’Histoire de l’art dans l’antiquité feront entrer d’intérêt, et pour toute sorte de lecteurs, dans un ouvrage qui tournerait si facilement à la sécheresse d’un catalogue s’il n’était vivifié par l’érudition abondante et diverse de M. Perrot en même temps que par la compétence toute spéciale de M. Chipiez : j’ajoute encore par le visible amour qu’ils portent l’un et l’autre à leur vaste, neuf et beau sujet.

Il nous faudrait ici pouvoir signaler quelque ouvrage — fût-il de bien moindre importance et de proportions infiniment plus modestes — où quelqu’un eût eu l’heureuse idée de faire pour le moyen âge ce que MM. Perrot et Chipiez font pour l’antiquité. Nous n’en voyons malheureusement pas. Résignons-nous donc à franchir brusquement un intervalle de bien des siècles et venons au livre de M. Müntz sur les Précurseurs de la renaissance[2]. Il fait partie d’une Bibliothèque internationale de l’art dont nous ne saurions trop applaudir l’intention, mais dont nous ne voyons pas bien, sur les titres que l’on nous donne, ce

  1. Histoire de l’art dans l’antiquité, t. I ; l’Égypte, par MM. George Perrot et Charles Chipiez, 1 vol. in-8o ; Hachette.
  2. Les Précurseurs de la renaissance, par M. Eugène Müntz, 1 vol. in-4o ; Librairie de l’Art.