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en dirions davantage si nous pensions qu’il fût besoin d’aider à la fortune de l’œuvre de M. Bida. Mais ce serait en vérité comme si nous nous attardions à louer l’exécution typographique de ces deux volumes. Elle est ce qu’elle était l’an dernier, large, simple, sévère, correcte, et pour dire quelque chose de plus, elle n’est pas en caractères elzéviriens. Je ne comprends pas le succès du caractère elzévdirien.

Je serais tenté de dire aussi, pour être complètement vrai, que je ne comprends pas davantage le succès de la chromolithographie. Mais il faut prendre son temps, et cette année du moins, ce serait y mettre trop de mauvaise volonté que de s’en plaindre. Si le procédé chromolithographique, en effet, a parfois des applications légitimes, c’est sûrement dans quelques-uns des ouvrages que nous avons là sous les yeux, et tout d’abord dans un livre comme celui de MM. Audsley et Bowes, sur la Céramique japonaise[1]. Toutes les planches y sont vraiment d’une richesse de couleur, d’une finesse de ton et d’une vivacité de relief auxquelles il faut rendre justice. Il y a là des vases, des potiches, des plats, des assiettes, des bols, des soucoupes et des tasses, aux formes élégantes, presque toujours, dans leur bizarrerie voulue, d’une profondeur et d’une intensité de coloration merveilleuses, qui donneraient aux plus indifférens l’envie de se faire collectionneurs si nous vivions dans un siècle où la bonne volonté pût suffire à ce coûteux emploi. Mais à ceux-là du moins qui devront renoncer à boire du thé de provenance authentique dans une tasse de Kioto ou de Satsouma, — d’autant qu’au Japon comme en Chine, et comme ailleurs, l’art céramique a tout l’air d’avoir versé dans l’industrie, et dans la pire des industries, c’est-à-dire l’industrie d’exportation, — le livre de MM. Audsley et Bowes donnera sur la technique et l’histoire de la fabrication japonaise les plus instructifs, curieux et précieux renseignemens. La connaissance, encore bien superficielle, des hommes et des choses de l’extrême Orient est l’une des acquisitions de notre siècle, et parmi les moyens de l’accroître et de la préciser, je songeais en parcourant ce livre que l’étude de la céramique japonaise ou chinoise pourrait bien n’être guère moins utile que l’étude des vases grecs à la connaissance des antiquités helléniques.

Où le procédé chromolithographique est encore bien à sa place, c’est quand on le fait servir, comme dans l’Histoire du gentil seigneur de Bayard[2], à la reproduction des laides, mais caractéristiques miniatures de nos anciens manuscrits. Dans ce volume, ordonné sur le plan

  1. La Céramique japonaise, par MM. G.-A, Audsley et J.-L. Bowes. Édition.française publiée sous la direction de M. Racinet, 1 vol. in-4o ; Firmin-Didot.
  2. Histoire du gentil seigneur de Bayard, édition rapprochée du français moderne, par M. Lorédan Larchey, avec une introduction, les notes et des éclaircissemens, 1 vol. in-8o ; Hachette.