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I

C’est du maître lui-même que nous tenons des renseignemens précieux sur ses origines, sa famille, ses premières années, ses débuts dans la vie et dans l’art.

« Moi, Albert Dürer le jeune, j’ai appris par les papiers que j’ai trouvés chez mon père, où il est né, comment il est venu à Nuremberg et comment il est mort saintement. — Que Dieu lui soit misécordieux ! Amen.

« Albert Dürer le vieux est né dans le royaume de Hongrie, près de Gyula, à 8 milles au-dessous de Wardein, dans un petit village appelé Eytas, où sa famille élevait des bœufs et des chevaux.

« Mon grand-père se nommait Antony Dürer ; jeune encore, il vint habiter Gyula et se mit en apprentissage chez un orfèvre. Il épousa une jeune fille appelée Elisabeth, dont il eut une fille, Catharina, et trois garçons. L’aîné, mon père, est aussi devenu un très honnête et très habile orfèvre…

« Mon père, Albert Dürer, est d’abord venu en Allemagne, puis il a séjourné assez longtemps dans les Pays-Bas, où il vécut dans l’intimité des grands artistes, et définitivement il s’est fixé à Nuremberg, l’an 1454, à la Saint-Louis, le jour même que Philippe Pirkheimer avait choisi pour faire ses noces sur les remparts ; on dansa longuement et allègrement sous les grands tilleuls.

« Mon cher père entra chez Jérôme Haller (ou Holper, orfèvre de Nuremberg), qui est devenu depuis mon grand-père ; il est resté à son service jusqu’en 1467. Alors il lui demanda la main de sa fille Barbara, une jeune personne jolie et éveillée, à peine âgée de quinze ans. Haller la lui accorda. »

Cette union fut exceptionnellement féconde. Le père d’Albert Dürer tenait lui-même, selon l’usage qui s’est perpétué en Allemagne, un journal des événemens arrivés dans la famille ; de 1468 à 1492, il dut inscrire dix-huit naissances. Voici la mention qui nous intéresse.

« — Item. L’année 1471, à six heures du soir, un vendredi de la Croix (la semaine de la Pentecôte), le jour de Sainte-Prudence, un autre fils nous arriva. Son parrain, Antoine Koburger, le nomma Albert pour m’être agréable. »

La suite de la Notice d’Albert Dürer sur lui-même nous apprend qu’en dépit d’un travail assidu, son père passa sa vie au milieu des plus rudes privations, qu’il eut le courage de supporter honorablement et chrétiennement l’adversité, qu’il fut estimé de tous ceux qui le connurent. Il loue sa patience, sa piété, sa douceur, sa