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ces momens, un acte de volonté aurait pu être décisif et aurait du moins prouvé qu’on savait ce qu’on voulait.

Ce qui n’était plus de la politique, ni ancienne, ni nouvelle, c’était d’ouvrir une guerre en Italie pour s’arrêter à mi-chemin, de signer des traités pour les abandonner, de rendre l’unité italienne inévitable par une diplomatie sans fixité, de céder, de céder toujours en paraissant résister, sans avoir le bénéfice de la résistance ou des concessions, et de soulever par surcroît, chemin faisant, le plus immense, le plus redoutable problème religieux. Ce qui n’était pas de la politique, c’était, après avoir si peu réussi en Italie, de recommencer au-delà du Rhin, de livrer le Danemark, en paralysant l’action européenne par je ne sais quelle proposition puérile de consultation populaire dans le Slesvig, puis de souder en quelque sorte l’unité italienne à l’unité germanique, de mettre soi-même la main de l’Italie dans la main de la Prusse pour se trouver aussitôt surpris par le coup de foudre de Sadowa ! Ce qui était bien moins encore de la politique, c’était, après avoir épuisé les fautes et les mécomptes, d’essayer de tout couvrir par de vaines théories sur les « nationalités, » sur les « grandes agglomérations, » par cette circulaire du 16 septembre 1866 où l’on disait : « Une puissance irrésistible pousse les peuples à se réunir en grandes agglomérations en faisant disparaître les états secondaires… L’empereur ne croit pas que la grandeur d’un pays, dépende de l’affaiblissement des peuples qui l’entourent et ne voit le véritable équilibre que dans les vœux satisfaits des nations de l’Europe. En cela il obéit à des convictions anciennes et aux traditions de sa race, Napoléon Ier avait prévu les changemens qui s’opèrent aujourd’hui sur le continent européen…. » Ce qui enfin ne ressemblait plus à rien, c’était, au moment même où l’on avait de si sérieuses affaires, de s’engager sur tous les points à la fois., sans suite, sans prévoyance, par toute sorte d’expéditions lointaines, surtout par la guerre, du Mexique au risque des disséminer, d’épuiser les forces et les ressources de la France.

C’était pourtant ce que faisait l’empire, de sorte que dans ces événemens il y avait des causes qui pouvaient être avouées en elles-mêmes, qui auraient pu être servies, avec profit, et il y avait, au lieu d’une politique vraie, cet étrange système qui agitait tout, confondait tout, pour finir par laisser la France isolée, entourée de défiances, entre une circulaire déclarant que tout était bien et la nécessité d’armemens formidables pour faire face à des dangers qu’on s’étudiait à déguiser encore.

Devant ce tragique enchaînement des choses, M. Thiers sentait sa raison se révolter. Peut-être ne faisait-il pas toujours lui-même une part suffisants à la marche du temps, à des nécessités