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distinctes : l’impôt sur les terres (fundi rustici) est compté pour 126 millions et l’impôt sur les immeubles bâtis (fabbricati) pour 63 millions, soit ensemble 189 millions, c’est-à-dire l’équivalent de ce que l’impôt foncier produit en France. L’impôt sur la richesse mobilière, c’est-à-dire l’impôt du dixième sur les revenue, les rentes, les traitemens, les pensions, etc., est évalué à la somme énorme de 177 millions. Ces trois impôts, qui portent seuls le nom d’impôts directs, entrent pour 367 millions, soit pour un quart, dans le revenu total. La propriété, sous toutes ses formes, est donc bien plus lourdement taxée en Italie qu’elle ne l’est en France. Est-il besoin de faire observer ce qu’il y a tout à la fois d’illusoire et d’injuste dans l’assiette de cet impôt sur le revenu ? Il a atteint les Italiens et les étrangers qui étaient déjà porteurs de rentes, lorsque l’impôt a été établi : ceux-là ne pouvaient se soustraire à son action ; ils ont dû subir ou une réduction de leur revenu, s’ils ont conservé leurs titres, ou une perte correspondante sur le capital, s’ils ont été contraints de s’en défaire. Il n’en a pas été de même de ceux qui, postérieurement à l’établissement de l’impôt, ont traité avec le gouvernement italien pour les emprunts qu’il a contractés sous diverses formes. Les acquéreurs, soit de rentes, soit d’obligations domaniales, soit même de biens ecclésiastiques, ont tous établi leurs calculs sur le revenu net qu’ils avaient à attendre, déduction faite de l’impôt, et le gouvernement italien a perdu en capital ce qu’il paraissait gagner sous forme de revenu. Il n’est pas douteux que l’emprunt en 5 pour 100, qu’il a négocié cette année, eût été souscrit aux environs du pair, au lieu de l’être un peu au-dessous de 88, si les contractans n’avaient pas eu à tenir compte de l’impôt du dixième. La même observation s’applique à la retenue que le gouvernement opère sur les appointemens des fonctionnaires : cette retenue aura tôt ou tard pour conséquence l’augmentation des traitemens, dont le taux réel ne permet pas de satisfaire aux exigences de la vie matérielle ou n’est pas en rapport avec le service demandé. A l’égard de certaines catégories de contribuables, l’impôt sur la richesse mobilière n’est donc qu’une illusion : à l’égard de certaines autres, il est inique. Tous les établissemens, tous les industriels, tous les commerçans qui ont des employés à rémunérer sont obligés de tenir compte de l’impôt dans les appointemens qu’ils donnent à leur personnel : l’impôt constitue donc pour eux un surcroît de charges, et il produit tous les effets d’une taxe additionnelle sur la production nationale. Quant aux petits rentiers qui vivent du produit de leurs économies et aux anciens serviteurs de l’état qui subsistent de leur pension de-retraite, ceux-là ne peuvent en aucune façon se soustraire à l’impôt, et