Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/683

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieues de Tacna, au nombre de 13,372 combattans, soutenus par 40 canons Krupp servis par 550 artilleurs ; la cavalerie, admirablement montée, comptait 1,200 hommes. En outre, une division de 2,000 hommes occupait sur l’arrière les postes de l’Hospicio et de Pacocha.

Les Chiliens campèrent quelques jours à Buena-Vista pour se remettre de leurs fatigues ; l’eau y était bonne, les fourrages abondans, l’air salubre. On y acheva les derniers préparatifs, et l’état-major arrêta ses plans d’attaque. C’est au milieu de ces travaux qu’une attaque d’apoplexie foudroyante emporta le ministre de la guerre. Épuisé par les fatigues et les soucis de cette marche périlleuse, don Raphaël Sotomayor mourut au moment même où allait se décider le sort de la campagne. Il l’avait préparée de longue main ; grâce à son énergique impulsion, à son inébranlable énergie, l’armée chilienne avait triomphé des difficultés que la nature lui opposait ; concentrée à Buena-Vista, elle allait se mesurer avec l’ennemi et livrer à Tacna une bataille décisive. La mort l’enlevait au moment où il touchait au but de ses efforts.

De son côté, le général Campero ne restait pas inactif. Dès le lendemain de son arrivée au camp de Tacna, le conseil de guerre de l’armée alliée était convoqué. Camacho et Montero exposèrent leurs plans. Comme on pouvait s’y attendre, le général en chef donna son assentiment à celui de Camacho. Il consistait à marcher au-devant de l’armée chilienne, à l’attendre à la sortie du désert, à profiter du désordre que la marche aurait introduit dans ses rangs, de l’épuisement des hommes et des chevaux, et à la rejeter dans les sables où, vaincue, elle succomberait presque tout entière. Ce plan était hardi, mais il offrait des chances sérieuses de succès. Pour qu’il réussît, il fallait amener l’armée alliée à Buena-Vista, l’occuper et s’y fortifier avant l’arrivée des Chiliens et les attaquer au moment où, en vue de Buena-Vista, ils croiraient leurs misères finies. Après une marche de plusieurs jours dans le désert, les hommes et les animaux altérés pressent le pas pour étancher leur soif et se reposer. Une sorte de débandade, que les officiers sont impuissans à prévenir, s’introduit dans les rangs. Chacun se hâte pour gagner au plus tôt l’oasis. Vigoureusement abordée dans ces conditions par des troupes fraîches et reposées, l’armée chilienne pouvait être rejetée en désordre dans les sables, où ses provisions d’eau épuisées ne lui permettraient pas de se maintenir.

Campero donna l’ordre à l’armée alliée de se porter en avant, mais telle avait été l’impéritie du commandement en chef qu’elle ne put avancer au delà d’une journée de marche de Tacna. Tout faisait défaut, les fourgons, les animaux et le matériel. A une lieue et demie