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dictateur actuel du Pérou, y avait repoussé l’attaque des armées du gouvernement. Cinq cents hommes, disait-on, pouvaient, maîtres de ce défilé, résister à dix mille assaillans. Camarra s’y était fortifié, et Pierola, à Lima, ainsi que Montero à Arica, considérait sa position comme inexpugnable. Tout l’effort de l’armée chilienne devait, pensait-on, se briser contre cet obstacle, et Montero n’aurait qu’à poursuivre les débris de leurs colonnes et les rejeter à la mer.

Maîtres de Moquega, les Chiliens pouvaient, négligeant le camp retranché de Camarra, marcher au sud et forcer Montero à livrer une bataille décisive ; mais il était imprudent de laisser derrière eux un ennemi fortifié, disposant de forces assez considérables pour les prendre à revers, ou leur fermer la retraite en cas d’insuccès. L’état-major chilien n’abandonnait au hasard que la part inévitable qui lui revient et que nulle prudence humaine ne saurait conjurer. Ses allures méthodiques avaient eu jusqu’ici raison de la bravoure impétueuse et de la fougue de ses adversaires. Il persista dans une tactique à laquelle il devait ses succès. Le général Martinez, commandant le génie, reçut l’ordre d’étudier le terrain et de combiner un plan d’attaque.

Campés sur les hauteurs de Los Angeles, les Péruviens dominaient la gorge étroite et escarpée au fond de laquelle passait la route de Moquega à Torata. Sur leur droite se dressaient des montagnes abruptes réputées inabordables ; sur leur gauche les collines n’étaient accessibles que par une marche de flanc de plusieurs kilomètres et par un sentier en zigzags. Était-il possible de risquer l’ascension des montagnes sur la droite ? Le bataillon de Copiapo s’offrit à le tenter. Il avait fait ses preuves à Dolores, et les hardis mineurs qui le composaient étaient de longue date rompus à la vie des montagnes et aux rudes marches du désert. Il fut en outre décidé qu’une colonne gagnerait pendant la nuit les hauteurs sur la gauche. Cette marche périlleuse exigeait une grande prudence. La moindre alarme donnée aux Péruviens exposait la colonne à être coupée en deux, rejetée en désordre sur Moquega et paralysait l’attaque tentée par la droite. Le 21 mars, dans la nuit, le mouvement s’effectua et, à la pointe du jour, le bataillon de Copiapo, escaladant les hauteurs, ouvrait le feu contre les retranchemens péruviens. À gauche, la colonne, retardée dans sa marche, n’entrait en ligne que plus tard, mais avec un plein succès. Attaqués sur leurs flancs, abordés de front, les Péruviens furent forcés de lâcher pied. Dans l’après-midi, tout était terminé, et l’armée chilienne occupait les défilés à travers lesquels fuyaient en désordre les soldats de Camarra.

Cette nouvelle défaite fut accueillie au Pérou par un cri de rage et de colère. On la nia d’abord, puis quand il fallut se rendre à