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général Prado ayant pris la fuite et Pierola étant retenu à Lima. Mais l’amiral Montcro était peu disposé à reconnaître l’autorité suprême du président Daza. Retiré à Tacna, à quelques lieues d’Arica, à la tête des contingens boliviens, le général Daza sentait, lui aussi, que son autorité présidentielle était en péril. A La Paz, capitale de la Bolivie, on signalait des menées insurrectionnelles ; on reprochait à Daza son inaction, que l’on qualifiait de lâcheté et de trahison. Les officiers et les soldats péruviens renchérissaient sur ces accusations. Ils reprochaient à Daza de leur avoir laissé porter tout le fardeau de la lutte, de s’être toujours tenu loin du péril et de n’avoir pris aucune part aux combats de Pisagua, de Dolores et de Tarapaca. L’alliance était fortement compromise ; Daza, en conflit perpétuel avec son collègue péruvien, avait quitté Arica. Campé à Tacna, sur la route de sa capitale, il n’aspirait qu’à y rentrer pour affermir son autorité menacée, contre-carrer les menées de ses adversaires et éviter le sort de Prado ; mais il lui était difficile, dans les conjonctures présentes, de battre complètement en retraite et de donner raison aux accusations de ses alliés et de ses ennemis. Il cherchait un prétexte pour tout concilier.

Un conseil de guerre convoqué à Arica pour arrêter un plan de campagne le lui fournit. Il se rendit à l’appel de l’amiral Montero, et la délibération s’ouvrit le 27 décembre entre les généraux péruviens et boliviens. Le président Daza communiqua son plan. Il proposait de retourner en Bolivie pour recruter et renforcer son armée ; puis, suivant la ligne de la Cordillère, il la franchirait au sud pour attaquer par derrière l’armée chilienne, que les troupes péruviennes aborderaient de front. Ce plan impraticable déguisait mal les préoccupations toutes personnelles du président de la Bolivie ; aussi fut-il accueilli avec le plus vif mécontentement par les officiers péruviens et par les officiers boliviens eux-mêmes. Ces derniers, exaspérés par les reproches de leurs alliés et leur propre inaction, supportaient avec peine depuis longtemps l’impéritie et la jactance de leur général en chef. Ils savaient qu’à La Paz l’opinion se prononçait de plus en plus contre Daza. Son attitude au conseil de guerre, l’absurdité de son plan de campagne, le rôle honteux auquel ils se trouvaient condamnés si son opinion prévalait, les décida à en finir et à renverser Daza. L’amiral Montero les encourageait sous main. Des avis furent immédiatement transmis au camp de Tacna de la salle même du conseil, où la discussion se prolongea tout le jour ; l’amiral Montero, tenu au courant de tout ce qui se préparait, la traînait en longueur, tantôt élevant des objections que Daza s’évertuait à réfuter, tantôt feignant de se rallier à son opinion. A quatre heures, on se séparait sans conclure, mais en apparence sans