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faisant de l’objectif de leur attaque le point de ralliement de leurs forces, à la condition toutefois de calculer les distances et les étapes avec une rigoureuse exactitude et d’offrir simultanément le feu. Leur plan de campagne adopté, les généraux alliés, maîtres de l’intérieur du pays et du télégraphe, transmirent à Iquique et à Arica les ordres nécessaires, mais ils négligèrent d’occuper les postes télégraphiques. A Psagua, le commandant chilien ne se dissimulait pas les dangers de sa position. Il ignorait les plans de l’ennemi, mais il n’ignorait pas qu’Iquique possédait une nombreuse garnison péruvienne, que le port était suffisamment fortifié pour résister à une attaque par mer, et que d’un moment à l’autre on pouvait acheminer contre lui la presque totalité de l’effectif qui occupait Iquique. Il savait également que les forces boliviennes, massées à Arica et Tacna, pouvaient l’assaillir par le nord et le prendre entre deux feux. L’attaque la plus imminente était celle qui le menaçait du côté d’Iquique. Il se décida à ne pas l’attendre et à marcher droit au sud sur cette ville. Mais avant d’entreprendre cette marche dangereuse et que les terrains sablonneux de Tarapaca devaient rendre très pénible à ses troupes, il détacha une colonne avec ordre d’aller observer au nord les mouvemens de l’ennemi. Habilement et rapidement manœuvrée, cette colonne réussit à surprendre un poste télégraphique et à s’emparer des communications des alliés. On apprit ainsi dans tous ses détails le plan de campagne de leurs armées et leur concentration imminente à Dolores.

Beaucoup plus rapproché d’Iquique que d’ Arica, Dolores devait être occupé d’abord par les forces parties d’Iquique. Elles avaient ordre d’y attendre les contingens boliviens, qui les rejoindraient quelques jours plus tard. Au reçu de ces nouvelles, les généraux chiliens modifièrent leurs dispositions et résolurent, gagnant leurs adversaires de vitesse, d’occuper les hauteurs de Dolores, de s’y fortifier, d’aborder vivement la colonne venant d’Iquique, de la rejeter sur cette ville avant que l’arrivée des troupes boliviennes lui assurât une supériorité numérique trop considérable, puis de remonter au nord à la rencontre des Boliviens et de les repousser sur Arica. Le plan était audacieux, mais il s’imposait. Il fallait ou le tenter ou se rembarquer, abandonnant Pisagua et laissant l’ennemi libre d’y effectuer sa jonction.

Sous les ordres du colonel E. Sotomayor, six mille hommes furent dirigés sur Dolores et en couronnèrent les crêtes. L’eau était abondante, avantage précieux dans ces régions. Au pied des hauteurs occupées par les Chiliens passait la voie ferrée qui reliait Pisagua à Dolores ; on s’en servit pour amener l’artillerie et le matériel nécessaire. Les travaux, poussés avec une activité fiévreuse, permirent en peu de temps la construction d’une sorte de camp retranché, à