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des choses de Rimini nous était familier de longue date, et, pour nous, la lecture de cette correspondance était pleine de révélations. Nous étions enfin en face de quelques-uns de ces documens de première main qui, par suite de cet épisode de la vie de Sigismond, peuvent être considérés comme les seuls qui ont échappé aux deux désastres de 1501 et de 1527, qui ont dispersé les archives. Dix ans plus tôt ou dix ans plus tard, la série de ces lettres, dites malatestiennes, n’avait plus pour nos études qu’un intérêt secondaire ; mais comme elles étaient datées 1454, — c’est-à-dire l’année même où on décorait le temple de Rimini, — ces mêmes lettres, inutiles pour l’histoire de Sienne, devenaient d’un prix inestimable pour l’histoire de l’art à Rimini. Tout ce qui était obscur pour tout autre que ceux voués à cette étude spéciale des lettres et des arts de la première renaissance à Rimini, était pour nous des lueurs. 'Miser Batista signifiait le grand Léon-Battista Alberti ; Matteo de Bastia correspondait à Matteo du Pasti, l’élève de Pisanello ; Maestro Pierro, c’était Pierro della Francesca ; Sagramoro n’était autre que le fidèle chancelier de Sigismond, son factotum, son secrétaire et son âme damnée, Maestro Alvise cachait le nom du charpentier chargé de l’érection du dôme de Rimini, et ce nom de Maestro Agostino enfin, cité à propos d’un sarcophage des Antenati, dans la chapelle consacrée aux ancêtres de Sigismond, avait toute la portée d’une véritable découverte : car il permettait de fixer, d’une façon définitive, à quelle personnalité était due l’exécution de ces superbes bas-reliefs du Tombeau des ancêtres. On a prononcé tour à tour devant ces œuvres les plus grands noms. Il faut simplement les rendre à ce nouveau venu dans l’histoire de l’art, dont Vasari a écrit la biographie sous le nom d’Agostino della Robbia (qui n’a de commun avec cette famille que la particularité d’avoir exécuté à Pérouse des figures de terra invetriata » et il faut lui rendre son vrai nom, Agostino di Duccio. M. Adamo Rossi, le bibliothécaire de Pérouse, a tenté de restituer la personnalité de cet artiste supprimée par Vasari ; son biographe cherchait sa trace qui lui échappait, pour dix ans de ses travaux ; la lacune est comblée désormais ; Agostino est à Rimini en 1454, et ses travaux l’y retiendront de longues années.

Mais il est temps de revenir à Isotta. Il était bien naturel qu’on trouvât ses lettres dans ce recueil de la correspondance adressée à Sigismond en décembre 1454 ; celle que nous venons de citer est malheureusement la seule qui porte sa signature. En voici toutefois une seconde, provenant de la même série, qui présente à un tel point le même caractère d’écriture personnelle, féminine, irrégulière, avec les mêmes fautes d’orthographe, les mêmes habitudes de main et d’abréviation, qu’il faut courir à la signature pour reconnaître qu’elle n’est point d’Isotta. Elle est ainsi conçue :