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sieur G.., et mue par ces deux passions qui m’animaient, il me semblait que le moins que je pusse me permettre, c’était de manifester mon ressentiment et c’est pour cela que Votre Seigneurie me dit aussi qu’elle ne m’écrira plus. Quand j’ai lu ce message, je me suis dit qu’il ne me manquerait plus que cela pour que mon mécontentement fut complet. Je prie donc Votre Seigneurie, si elle m’aime autant qu’elle le dit, de ne pas me priver de ses lettres, qui sont la seule compensation que j’aie à son absence.. Veuillez avoir pitié de moi, pauvre petite. (Voliate avere compasione amy poveretta.) Notre Malatesta va bien, et il a reçu avec une grande joie le petit cheval. Tous nos autres fils et filles se portent bien aussi. Je me recommande mille fois à Votre Seigneurie.

« De Votre Seigneurie la servante,

« YXOTTA ARIMIMESSE.

« Le 20 de décembre. »


L’écriture est très personnelle, la signature est de la même main que le corps de la lettre, criblée de fautes d’orthographe, pleine de répétitions, d’incorrections et d’omissions, et elle n’est point datée, mais il nous est facile de suppléer à cette lacune par l’adresse de toutes celles du dossier dirigées, « au capitaine-général des troupes de la république de Sienne. » La teneur en est secrète et confidentielle au premier chef, puisqu’il s’agit de plaintes amères au sujet de ce mariage que Sigismond refuse d’accomplir (car il est devenu veuf de Polixène Sforza) ; enfin, dernière circonstance qui dénote encore un abandon plus intime, Isotta reproche à son amant de l’avoir trompée avec une personne qu’elle ne désigne que par une initiale. Voilà enfin son caractère et sa signature ! Nous sommes donc, à n’en pas douter, en face d’un autographe d’Isotta ; la seul que nous ayons rencontré après des recherches qui ont duré plusieurs années. Nous faisons la lecture de ce document, presque indéchiffrable, avec l’aide de l’honorable préfet des archives de Sienne, le savant M. Banchi ; il partage notre étonnement et notre enthousiasme.

Cette lettre n’est pas isolée, d’autres signées de noms divers y sont jointes, toutes adressées à Sigismond. Voilà un dossier, banal jusqu’ici, impersonnel, intitulé : Lettres à divers personnages, qui prend désormais un singulier intérêt, puisque nous constations après avoir pris connaissance de tous les documens, qu’il y a là des lettres des grands médailleurs de la renaissance, — ce qu’on peut regarder comme rarissime, — des lettres de Matteo Nuti, architecte de Fano, suppléant de Léon-Battista Alberti pour l’érection du temple de Rimini, nombre de lettres des chanceliers de Sigismond qui relatent l’état des travaux de la construction du temple de Rimini, où