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à cet attrait le charme d’un mystère qui n’a pas encore été entièrement dévoile, faute de documens positifs, à cause de la dispersion des archives locales par les soldats de César Borgia et ceux du pontife Adrien IV (1527). Le plus grand de cette race, Sigismond, fils de Pandolfe (1417-1468), a légué à la postérité un des plus beaux monumens de l’Italie, le « Temple Malatestien » de Rimini, monument humaniste, « le plus beau de la plus belle époque de l’art, » au dire de Nardi, et, selon Perkins, dans son Histoire de la sculpture toscane, « l’édifice le plus intéressant de la première renaissance. » Si on considère que ce seigneur de Rimini, qui a tenu en échec Aragon et le Vatican, lutté jusqu’à sa mort contre le duc d’Urbin et conquis la Morée pour les Vénitiens, offre dans son caractère de si singuliers contrastes qu’on peut dire qu’il y a eu en lui du héros, du bandit et du mécène, on comprendra qu’il est une image fidèle de ces époques troublées des premières années du XVe siècle. À ce titre il y avait quelque raison de s’efforcer de suppléer à la dispersion des documens en fouillant la plupart des archives d’Italie pour pouvoir reconstituer cette figure historique et la replacer dans son milieu. À côté de ce portrait, dont la physionomie est singulièrement accentuée, il faudra dessiner aussi celui de sa compagne, Isotta de Rimini, « l’honneur de l’Italie, » que la numismatique, la peinture et la sculpture italiennes ont rendue légendaire. Personne jusqu’ici n’a tenté d’achever l’esquisse qu’en a tracée le célèbre Mazuchelli ; il eût fallu pour cela s’appuyer sur des documens de première main, et ils ont été détruits par les bandes de Borgia et de Sassatello, capitaines du saint-siège. Quelques-uns ont échappé par le plus singulier des hasards ; ils jettent un jour nouveau sur cette figure d’Isotta, d’abord maîtresse de Sigismond, plus tard sa femme et la régente de Rimini.

Les Malatesta étaient originaires de Penna Billi, dans le Montefeltre (plus tard le duché d’Urbin) ; le premier dont on ait gardé mémoire était Ugo, dont le petit-fils, Giovanni, avait reçu, dès 1150, le droit de cité à Rimini. Ce Giovanni avait eu un fils du même nom que lui, homme violent et farouche, qui avait reçu de ses contemporains le surnom de Mala Testa ; il allait le transmettre à toute sa race. Soldat valeureux, ce Giovanni, déjà célèbre en maintes rencontres, avait été appelé à Rimini par le podestat d’alors pour défendre la ville contre les ennemis du dehors ; il y avait fondé sa maison et pris pour femme une fille de Pietro degli Onesti ; en 1239, ayant occupé à son tour le siège de podestat, il frayait la voie à tous les siens. Le podestat de Rimini laissa deux fils : l’un, Giovanni, épousa la fille du comte de Sogliano, dont il prit le nom en continuant la race des comtes souverains de ce domaine ; l’autre fut le fameux Malatesta de Verucchio, ainsi nommé parce qu’il résidait