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s’étende sur une grande surface pour valoir plus d’un million. Sans être élevée sur des terrains à 2,500 francs le mètre, comme il vient d’en être vendu sur l’emplacement de l’ancien hôtel des postes ou à 2,000 francs en moyenne, comme dans la nouvelle avenue de l’Opéra, une construction qui coûte 1,500 francs environ le mètre sur un terrain payé de 800 à 1,000 francs le mètre ne peut appartenir qu’à une petite classe de propriétaires. Or, au moment où le besoin de constructions luxueuses se faisait sentir, les sociétés d’assurance sur la vie, dont on regrettait récemment encore que le nombre fût si réduit en France, se sont tout d’un coup multipliées et agrandies, et ont recherché les placemens les plus solides pour des sommes très importantes. Le rendement des rentes sur l’état et des obligations de nos chemins de fer, seul mode d’emplois mobiliers autorisé par les statuts de ces sociétés, devenant de moins en moins rémunérateur à mesure que le prix d’achat s’en élevait en proportion de la demande dont elles étaient l’objet, et, au contraire, le taux des loyers ne cessant de s’accroître par suite de l’augmentation de la population parisienne, toutes les compagnies d’assurance ont tenu à placer en acquisition d’immeubles les réserves qui servent de gage à leurs contrats ; faute d’en trouver, elles en ont construit, et c’est ainsi qu’à l’heure actuelle les seules compagnies d’assurance sur la vie possèdent pour 173,500,000 francs de maisons à Paris.

A côté d’elles se sont formés des groupes d’entrepreneurs qui, à l’imitation de certaines spéculations tentées sous le dernier empire, mais sur une plus vaste échelle, ont poursuivi le même travail en vue, il est vrai, de résultats différens. Par une entente habile, des entrepreneurs de maçonnerie, de charpente, de menuiserie, de peinture, etc. se sont associés, sous la direction d’architectes expérimentés, pour acheter des terrains, y élever des maisons en y travaillant chacun selon leur spécialité, afin de les louer d’abord et de les vendre ensuite avec partage proportionnel de profit ou de perte. Ces associations temporaires d’hommes déjà possesseurs de ressources importantes ont trouvé dans les nouveaux établissemens de crédit un tout-puissant concours. Le nombre toujours croissant des sociétés financières, l’augmentation des dépôts qui leur sont confiés, ont permis de prêter temporairement à ces groupes d’entrepreneurs et à un intérêt élevé des sommes considérables qui avaient pour gage non-seulement le profit très rémunérateur à obtenir par la vente des immeubles construits, mais la valeur des terrains en tout ou partie, et les premiers débours faits par les constructeurs eux-mêmes sous forme de matériaux et de salaires aux ouvriers payés de leurs propres deniers. Nulle combinaison, en ces derniers temps, n’a plus servi à faciliter la construction des immeubles à Paris, à en élever le prix et le rendement, à développer un