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prêter à des modifications sérieuses ; il s’en est déjà produit, et c’est sur l’une des plus récentes et des plus significatives que nous voulons arrêter l’attention du lecteur.


II

Substituer entièrement la propriété collective immobilière à la propriété individuelle est depuis longtemps le rêve des penseurs ou des sectaires qui, sous prétexte de progrès, ne tendent à rien moins qu’à ramener les sociétés modernes aux âges barbares où la propriété n’existait d’aucune façon. Introduire au contraire sous une nouvelle forme cette propriété collective à côté de celle qui sert de base à l’édifice social, sans en diminuer la solidité, n’a été le fait que de rares esprits dont l’initiative a, depuis un demi-siècle à peine, produit dans les affaires industrielles les plus féconds résultats. Au premier rang nous rappellerons les noms de MM. Emile et Isaac Pereire. C’est à eux qu’est due la création à Paris de la Société immobilière, qui peut être signalée comme le point de départ d’opérations nouvelles et de l’application directe à la propriété du sol et des immeubles d’un procédé déjà expérimenté pour d’autres objets. Sans doute, toute société par actions, quand elle était par exemple créée pour l’exploitation d’usines, de mines, de chemins de fer, se composait de propriétaires non-seulement indivis, mais collectifs et innomés ; en réalité, il s’agissait plutôt d’une industrie à exercer en commun que de la possession d’un terrain quelconque et d’un immeuble proprement dit. La Société immobilière, fondée avant la grande exposition de 1855, dans l’intention de construire des maisons et tout d’abord le Grand-Hôtel du boulevard des Capucines qu’on voulait ouvrir aux étrangers à l’instar des hôtels américains, offrit le premier exemple significatif de l’association d’actionnaires en vue de l’acquisition du sol et de l’exploitation d’immeubles bâtis. Ces mêmes titres d’actions et d’obligations que toutes les entreprises de travaux publics, dans lesquelles MM. Pereire avaient joué un si grand rôle, venaient de populariser à ce point qu’on doit leur attribuer la constitution propre de la richesse mobilière, étaient ainsi utilisés au profit d’une propriété immobilière réelle et durable. Nous n’avons point l’intention de refaire l’histoire de la Société immobilière et des phases diverses qui ont abouti à une ruine complète : l’insuccès final dont elle fut victime n’a été le fait ni de son principe, ni même de sa gestion, mais seulement des circonstances politiques et de l’extension de ses opérations à Marseille, commencées en vue d’un programme à réaliser qui fut brusquement changé contre la volonté des administrateurs de la société. Cette première tentative ayant échoué, d’autres