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embarrassé, il suffit de menacer les séminaristes du recrutement ou les biens ecclésiastiques de confiscation ; c’est infaillible, et voilà encore un moyen essentiel de gouvernement !

Qu’est-ce à dire cependant ? Tout cela, sauf la révision, à laquelle M. Jules Ferry n’a paru se convertir qu’à l’exemple et à la suite de M. Gambetta, tout cela, c’est ce que le dernier ministère a fait ou essayé. M. le ministre de l’instruction publique s’est mis fièrement en campagne pour créer ce qu’il appelle l’enseignement national, l’enseignement démocratique et républicain. M. le ministre de la guerre s’est jeté tête baissée dans l’arbitraire le plus complet pour donner satisfaction aux partisans de la réduction du service militaire. Le cabinet a fait ce qu’il a pu pour détruire l’ancienne magistrature et former une magistrature nouvelle dévouée au gouvernement. Il a fait la guerre aux moines dans leurs couvens et aux emblèmes religieux dans les écoles. Il a fait tout ce qu’on a voulu pour mettre en action, sous toutes les formes, la politique républicaine ; il n’a fait que ce qu’on a voulu, et, en fin de compte, où tout cela a-t-il conduit ? Justement à cette situation où la confusion et le désarroi sont dans les affaires publiques, où rien ne marche, où tout le monde réclame et appelle un gouvernement. Est-ce en obéissant aux mêmes inspirations et en usant des mêmes procédés, ou en allant plus loin dans la même voie, qu’on pense remédier au mal qui a été déjà fait, recomposer une situation meilleure ? Ah ! voilà la question ! Au fond, on n’est peut-être pas si pressé d’entreprendre tout ce qu’on propose dans les programmes et au besoin on prend des airs capables pour expliquer qu’il faut s’entendre. Chaque article a son correctif. La république doit être progressive, mais elle doit être aussi mesurée et quelque peu conservatrice ! Il faut réformer les vieilles lois monarchiques pour les remplacer par les lois démocratiques, mais il faut procéder avec prudence ! Il s’agit de séparer le, vrai progrès des utopies ! Le dernier ministère n’a échoué que parce qu’il n’avait pas une majorité, parce qu’il n’était pas un gouvernement. M. Gambetta entrant au pouvoir, marchant à la tête de la chambre, réglant le pas, le problème est résolu ! Ce que fera M. Gambetta, on ne peut le savoir encore. On ne sait ni s’il formera une administration nouvelle ni s’il composera son cabinet avec un certain nombre d’anciens ministres à qui il a rendu déjà le pouvoir impossible. Ce qu’on sait bien, c’est que M. Gambetta se tromperait étrangement s’il se figurait qu’il suffit de donner à sa prépotence un habit ministériel et de porter avec un peu plus d’habileté au gouvernement des idées qui n’ont jamais servi qu’à tout détruire ou à tout empêcher. Son ministère, dans ce cas, ne serait pas une solution, il ne serait qu’une expérience de plus, prélude de bien d’autres expériences.

Deux événemens ou deux incidens ont une certaine importance en Europe aujourd’hui. Ces deux événemens sont les élections qui vien-