Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on enlèvera cette boîte où elle est enfermée, la ventilation ne sera plus nécessaire ; on choisira des lampes fermées qui n’offrent aucune prise au feu ; elles pourront s’éteindre, se rallumer, se modérer ou s’exagérer à volonté ; on les multipliera sans rencontrer de limites et l’on sera étonné de la simplicité du système et des retards qu’on aura apportés à son adoption.

Après avoir parcouru l’escalier et la salle, chacun s’attendait à trouver les mêmes éclats de lumière dans le foyer. On fut tout surpris de n’y voir aucun changement. Pourtant il y avait là aussi de l’électricité, mais employée autrement : il convient de donner à ce sujet quelques éclaircissemens.

Les lampes de la salle et de l’escalier sont entretenues par le passage de l’électricité entre les pointes voisines de deux charbons. Ce passage se révèle par une flamme courbe qu’on nomme l’arc électrique, dont la température atteint et dépasse 2,000 degrés, qui échauffe les pointes de charbon au point de leur donner un éclat comparable à celui du soleil et de développer une quantité de lumière tout à fait blanche, comprise entre trente et mille huit cents carcels. Dans beaucoup de cas, cette lumière est excessive, et l’on cherchait depuis longtemps à la diviser en foyers beaucoup plus petits, plus appropriés aux usages de la vie ordinaire. On apprit tout à coup, il y a une année à peine, que ce problème venait d’être résolu en Amérique, qu’une autre forme de lumière électrique nous arrivait avec le téléphone et le phonographe. Tout d’abord elle effraya la Bourse, puis elle fut niée, et finalement elle vient de se produire avec succès, non sans un peu d’engoûment à l’exposition. C’est la lumière par incandescence d’Edison, de Swan, de Maxim ; c’est celle qu’on vient de placer au foyer de l’Opéra. Elle est très simple : on savait depuis longtemps qu’en traversant les corps conducteurs, l’électricité les échauffe d’autant plus qu’ils offrent plus de résistance à son passage, de sorte qu’en les rendant de plus en plus minces, ils deviennent de plus en plus lumineux. Si ce sont des métaux, ils finissent par fondre ; si c’est du charbon, il résiste, il atteint et dépasse l’éclat des flammes de gaz. C’est un physicien russe, Lodyguine, qui, le premier, en fit la remarque et en proposa l’emploi, et pour empêcher le charbon de se consumer dans l’air, il l’enferma dans le vide, où il devait durer indéfiniment. En principe, la lampe par incandescence était trouvée ; mais, dans la pratique, l’inventeur se heurta à des difficultés qu’il ne put surmonter. Les charbons se désagrégeaient et tombaient en poussière. On raconte qu’Edison ne connaissait ni cette idée première ni ces essais, qu’il employa d’abord des fils de platine dont il chercha à retarder la fusion sans y réussir, qu’alors seulement il songea au charbon,