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Le programme est d’agir sur la vue et d’en arrêter le fonctionnement, soit par l’occlusion des yeux, soit par la fixation de l’œil sur un objet, et en même temps de suspendre tout mouvement physique ou intellectuel pendant l’opération. Comme il a été endormi, le patient est réveillé par une manœuvre non moins précise et d’une simplicité presque puérile. L’entame de son sommeil ne ressemble que de loin à celle du sommeil naturel; le passage du sommeil artificiel à la veille se fait exactement comme dans les conditions normales. Le sujet se frotte les yeux, jette autour de lui quelques regards indécis et reprend la possession de lui-même.

Une fois éveillé, il ne sait rien et ne garde aucun souvenir de ce qui s’est passé durant l’hypnotisme ; il ignore même, à moins que quelque circonstance extérieure ne le lui révèle après coup, qu’il a été endormi.

Pendant cette suspension de la vie de relation tout entière, est-il possible, en frappant sur quelques touches de ce clavecin muet, d’en tirer des sons? quelques facultés peuvent-elles rentrer en fonctions sous l’influence de manœuvres nouvelles? Le fait n’appartient plus à la critique, mais au contrôle. Or il est d’expérience historique qu’en fait de magnétisme, les vérifications ont lieu par intermittences, on pourrait presque dire par accès. Il faut, pour se résoudre à les accomplir, ou la foi préalable, ou le courage de résister au respect humain. L’expérimentation côtoie de si près la crédulité, ou, comme disait Braid, la delusion, que peu d’hommes, au cours d’une génération, se risquent à l’entreprendre et surtout se résolvent à la prolonger.


CH. LASEGUE.