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impartial ne pouvait contester la réalité; l’ivraie et le bon grain continuaient à pousser côte à côte, l’un préservant l’autre.

On accuse les croyans d’être impitoyables, l’accusation frapperait peut-être plus juste encore sur les incrédules. Dugald-Stewart, auquel Braid emprunte l’épigraphe de son livre, a écrit quelque part : Unlimited scepticism is equally the child of imbecillity as implicit credulity; j’ajouterai que l’absolu dans l’incrédulité n’est pas seulement le bouclier derrière lequel se réfugient les imbéciles, mais qu’il coupe court à tout progrès. Le chercheur, détourné par le respect humain auquel nous sacrifions tant de bonnes intentions, se décourage d’avance. Il faut une force de volonté bien ferme, presque un courage robuste, pour affronter des dédains préparés et lutter seul, savant modeste et ignoré, contre les habiles parvenus qui savent d’abord jusqu’à quel point il est permis de savoir.

Braid est incessamment préoccupé du discrédit qu’il va encourir; il sent bien que le courant lui est contraire, et son appel incessant à l’impartialité des médecins garde toujours les allures d’une supplication : « Je soumets au public et à la considération bienveillante et candide de mes frères en médecine ces résultats, en les priant d’étudier le sujet froidement, avec un honnête désir d’arriver à la vérité. Ayant été moi-même un sceptique, je suis prêt à faire toute concession raisonnable aux autres. » Un mot de Treviranus, le botaniste, clora agréablement les réflexions qui précèdent. Un élève de Mesmer, ou Mesmer lui-même, lui demandait le fond de sa pensée sur les phénomènes magnétiques : « J’ai vu, répondit-il, beaucoup de choses que je n’aurais pas crues à l’énoncé de votre opinion. En bonne conscience, je n’ai ni l’espoir ni le désir que vous croyiez davantage à la mienne.»

Au surnaturalisme, tué tant de fois, mais toujours vivant, il fallait substituer des données positives, jouer, comme on dit vulgairement, — et le mot n’est pas excessif en fait de magnétisme, — cartes sur table. On doit à Braid cette justice de déclarer qu’il n’a détruit que pour construire. La part de la vérité, il l’a établie avec une rare correction en éliminant les erreurs et, travail plus méritoire encore, les inutilités; puis, le terrain déblayé, il a posé simplement les premières assises.

Il est acquis à présent que, dans l’opération de l’hypnotisme, le patient est seul actif, que les événemens singuliers qui s’accomplissent en lui et qui troublent si profondément l’économie de sa vitalité nerveuse naissent en lui et que le rôle de l’opérateur se borne à les faire éclore. La loi ainsi formulée s’applique-t-elle à tous les magnétismes, à tous les somnambulismes provoqués? On pourra répondre que l’hypnotisme et le mesmérisme font deux, que les phénomènes