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avec la douteuse modestie d’un guérisseur convaincu: « J’ai moi-même rencontré des cas où je considérais comme dangereux d’en faire usage et, dans d’autres conditions, je me suis refusé à courir les hasards d’une opération que les patiens auraient voulu me voir pousser à l’extrême. »

L’hypnotisme réunit par conséquent les qualités fondamentales qui recommandent un remède au public : il est utile souvent et parfois dangereux.

Les observations rapportées par Braid rentrent dans le cadre classique des affections nerveuses, personnelles, mobiles, échappant à toutes règles, venues on ne sait d’où, évoluant on ne sait comment et guérissant on ne sait trop pourquoi. Aucune ne m’a paru mériter d’être reproduite. Ce serait un travail profitable, mais long et difficile, que de soumettre à une critique les faits honnêtement racontés par les médecins magnétiseurs, hypnotistes, etc., ou par les magnétiseurs étrangers à la médecine, en laissant de côté les curations miraculeuses. La plupart des aspirans aux médecines d’exception ont épuisé, avant d’en venir là, une série indéfinie de médecins et de médicamens. Lassés par les contradictions ou les redites des consultans, ils attendent un homme nouveau, parlant une autre langue que celle dont ils ont réprouvé la monotone insignifiance, plus hardi que les demi-novateurs, vite impuissans à soutenir leur rôle. Ce messie, n’ont-ils pas chance de le trouver dans la personne du magnétiseur? Néophytes au début, renégats le lendemain, ils appartiennent à une tribu nerveuse dont l’histoire commande l’intérêt et ne sera jamais plus exactement écrite que celle de toutes les populations flottantes.

J’ai exposé sommairement et sincèrement l’œuvre de Braid; il me reste à indiquer la part qui revient au médecin de Manchester dans le progrès de notre savoir sur le système nerveux et comment se justifie une si longue analyse appliquée à une œuvre apparemment si petite.

Le premier mérite de Braid est d’avoir renversé à tout jamais l’idole du magnétisme en sapant le piédestal, en substituant à ses prétendus pouvoirs occultes des forces encore mal définies, mais soumises au contrôle de tous et sans côtés mystérieux. A partir du jour où il accomplissait, au fond de sa province, cette révolution dépourvue d’éclat, il ouvrait les voies à la recherche sérieuse et posait les fondemens d’un édifice qu’avant lui aucun savant n’eût rêvé de construire. On avait protesté, dénoncé les supercheries, accumulé les défiances et abouti à des négations. Les académies s’étaient dépensées en commissions et les commissions en blâmes ou en railleries. Il n’en restait pas moins le quid ignotum dont pas un observateur