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Les épreuves se multiplièrent; le zèle de Braid redouble à mesure qu’il croit avoir assuré la démonstration. Il convoque à ses séances les spectateurs ; il va de Liverpool à Manchester et à Londres, colportant sa découverte, et, malgré tant d’efforts, après avoir sollicité la critique sous toutes les formes, il n’arrive guère qu’à remplacer le scepticisme absolu par un doute hésitant. Étrange destinée, commune à tous ceux qui, comme lui et moins sincèrement que lui, ont été entraînés dans le tourbillon du magnétisme.

Ces expérimentations, qu’on les interprète comme on voudra, sont curieuses. Dût-on n’en pas tirer d’autres conclusions, elles prouveraient à quel degré de déception honnête un observateur qui, par plus d’un côté est un maître, peut se laisser entraîner. Je tiens à rapporter encore quelques exemples. — Mrs Col se soumet pour la première fois à l’hypnotisation. En quelques minutes, elle est endormie. Deux doigts sont posés sur le point affecté à la vénération. Immédiatement son aspect se transforme ; elle se lève doucement de sa chaise, s’avance avec majesté vers la table située au milieu de la chambre. Là, elle tombe sur les genoux et représente au degré le plus saisissant le type de l’adoration mystique. A son réveil oubli complet de ce qui s’est passé. « Quarante-cinq sujets m’ont fourni, dit Braid, la possibilité de réaliser à mon gré ces étranges phénomènes. » Dans une autre conversazione, il éveille par la pression, chez une assistante inconnue et hypnotisée, le sens de l’acquisivité. La jeune femme dérobe leur mouchoir à deux dames, une bague à un spectateur. On touche alors le point correspondant à la conscience, immédiatement le sujet témoigne de l’anxiété, elle se lève, cherche à rendre à leurs possesseurs les objets qu’elle vient de s’approprier; ceux-ci ont changé de place, elle les cherche, les retrouve et restitue ses larcins. Chez une mère de famille, hypnotisée pour la première fois, la pression sur le siège phrénologique de la bienveillance détermine une explosion de larmes ; elle tire sa bourse et en sort quelques pièces de monnaie qu’elle distribue par la pensée à des pauvres. Un sujet en catalepsie a par hasard appuyé son propre doigt sur le foyer de la philogéniture. Il s’agite aussitôt sur sa chaise, en faisant le geste de bercer un enfant ; peu à peu les mouvemens s’accélèrent, on cherche sans succès à prévenir une convulsion imminente en éloignant la main qui résiste et qui se détend enfin par un souffle sur le bras.

Braid est persuadé, mais on dirait qu’il éprouve le besoin d’excuser sa conviction. « Si je puis, dit-il, croire en quelque chose à l’évidence fournie par mes sens, je ne vois pas comment je pourrais douter du rapport qui existe entre certains points du crâne et les manifestations mentales qu’on provoque en agissant sur ces points durant l’hypnotisme. »