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apparut comme une sorte de fédération organique composée des diverses provinces qui pouvaient être détachées de l’ensemble et subir une influence qui n’excédât par leurs limites. Il ne s’agissait que de tracer isolément la configuration de chacune des parties, de chercher les agens efficaces et de mesurer leurs effets. La première pensée fut, comme on le voit, de procéder à des hypnotisations partielles, sans modifier ni au fond ni en apparence l’état général. Ce n’était que la moitié de la tâche. Si on réussit à réduire partiellement dans un bras, par exemple, les phénomènes actifs à leur minimum, on peut par d’autres manœuvres locales les développer jusqu’à leur maximum. Dans les deux cas, on réagit sur la périphérie en respectant le centre: les résultats sont contrastans, mais la loi reste. Et ce centre lui-même, pourquoi le soustraire à la règle commune? pourquoi ne pas le subdiviser en organes plus ou moins indépendans, sur lesquels on exercerait une action isolée ?

En 1842, la phrénologie trouvait en France un certain crédit; moins goûtée en Angleterre, pays défiant et qui ne s’approprie qu’à la longue les découvertes des autres peuples, elle avait néanmoins éveillé la curiosité. Les magnétiseurs anglais et américains en avaient tiré, sous le nom de phrénomagnétisme, quelques indications. En même temps, la psychologie, codifiée par l’école de Dugald-Stewart, aboutissait, moins la localisation cérébrale, presque aux mêmes données que la phrénologie. Les facultés étaient envisagées comme autant de facteurs presque indépendans ; on se plaisait à scinder l’intelligence et la sensibilité, avec l’espoir qu’en étudiant séparément chaque sentiment ou chaque faculté, on en faciliterait l’analyse, quitte à rassembler plus tard les fragmens. Les psychologues traitaient de la mémoire, du jugement, de l’association des idées, et les médecins d’aliénés, entrâmes par le courant, croyaient bien faire en assignant à chacune de ces divisions artificiellement circonscrites les maladies qu’elles comportaient. La pathologie exploitait ainsi, selon l’usage de tous les temps, une physiologie attrayante par sa simplicité et lui apportait l’appoint d’observations recueillies à la légère, mais avec la meilleure foi.

Braid n’avait qu’à emprunter aux phrénologues leur carte topographique du cerveau et à appliquer la pierre de touche de ses manœuvres hypnotiques à chacune des facultés intellectuelles et morales, découpée par Gall à l’emporte-pièce, munie de sa définition et de sa description conformes au programme des botanistes d’alors et pourvue de son foyer. Un scrupule qui semblerait étrange partout ailleurs qu’en Angleterre le retenait. En s’appuyant sur la phrénologie, ne risquait-il pas de passer pour un matérialiste? Braid s’en défend en invoquant les argumens habituels qui militent en