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Tout malade dont les globes oculaires s’agitent ne sera pas ou n’est pas encore sous l’influence. Presque immédiatement la respiration devient plus haute, la face et le devant de la poitrine sont légèrement injectés, le malade semble se défendre en exécutant quelques mouvemens indécis, la respiration devient sonore ; cette phase dure moins de deux minutes, et, sans les marques d’excitation que Braid déclare prodigieuses, le sujet entre dans le sommeil artificiel avec plus ou moins de raideur cataleptique. Nous verrons ultérieurement ce qui peut se passer pendant le sommeil ainsi provoqué et les moyens propres à déshypnotiser le malade.

J’ai été surpris de voir l’agitation dont Braid paraît faire cas sans d’ailleurs la décrire, manquer dans toutes mes expériences et dans celles plus nombreuses encore que j’ai fait exécuter par mes élèves. Était-ce dû à l’inhabileté de l’opérateur ou à l’imperfection de la méthode encore plus rudimentaire que celle de Braid ? La question pouvait aisément se résoudre en changeant l’opérateur ou en suivant à la lettre les prescriptions de Braid. J’ai fait l’un et l’autre et, malgré ma meilleure volonté, je n’ai pas réussi à déterminer une crise d’agitation, ni extrême ni même moyenne. Les plus excitables sont restés bien loin de l’agitation qui marque le début de l’endormissement chloroformique. Les résultats obtenus par Braid doivent-ils toutefois être mis en doute ? Avec un observateur de cette sincérité, la critique doit n’avancer que prudemment vers la négative. D’autre côté, je m’étonne de ne trouver nulle part l’exposé, même sommaire, des phénomènes d’agitation qui caractériseraient l’entrée en matière.

Convient-il, faute de mieux, de supposer qu’il existe des hommes appelés par un côté quelconque de leur nature, inconnu, mystérieux, à dominer le système nerveux des sujets sur lesquels ils expérimentent,-faculté singulière, sorte d’ascendant dont l’équivalent se retrouve en tant d’occasions solennelles ? Le problème a été soulevé nombre de fois, et Braid a considéré comme son meilleur titre de gloire de l’avoir définitivement résolu. L’aborder à présent, ce serait rompre un exposé déjà si difficile à ordonner méthodiquement.

Le patient a été hypnotisé, il a cessé d’appartenir à la vie réelle pour entrer dans un état sans analogue, semblable par certains aspects au sommeil naturel, dissemblable par d’importantes particularités, et exigeant une étude propre. Que va-t-il se passer pendant la durée plus ou moins longue de ce sommeil spécial ?

La première manifestation, la plus constante, est la rigidité cataleptique, tantôt générale, tantôt partielle, tantôt absolue et tantôt incomplète. L’aspect de l’hypnotisé cataleptique est si étrange que c’est assez de l’avoir observé une fois pour s’en souvenir toute sa