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parole, Catherine invita La Mothe-Fénelon à reprendre la négociation. Elisabeth était alors au plus fort de son caprice pour Hatton, elle n’ignorait pas non plus la liaison du duc avec Mme de Sauves. La Mothe-Fénelon la trouva plus que refroidie, et il prévint Catherine que, pour le moment, il n’y avait pas à songer au mariage.

Le prince de Navarre et le duc d’Alençon allèrent jusqu’à Pont-de-Beauvoisin à la rencontre d’Henri III ; il les reçut d’assez bonne grâce, les embrassa et leur dit qu’ils étaient libres.

Henri III va se montrer dans cette première année de son règne tel qu’il restera jusqu’à la fin : insouciant du lendemain, nullement inquiet de la guerre civile qui désolait les provinces, perdant deux mois à Avignon après en avoir perdu un à Lyon, ne se résignant qu’à grand’peine à aller se faire sacrer à Reims et, le lendemain de son sacre, épousant cette douce et charmante Louise de Lorraine, qu’il avait vue à Nancy en allant en Pologne, et dont le cœur était engagé ailleurs.

Deux camps étaient en présence à la nouvelle cour : dans celui du duc d’Alençon, Bussy d’Amboise, la meilleure lame de France, le préféré de Marguerite de Valois et devant payer de sa vie l’amour de Mme de Monsoreau ; Simier, courtisan raffiné ; Lachâtre, gentilhomme accompli ; des Pruneaux, habile diplomate ; Clausse de Marchaumont, financier renommé ; Fervaques enfin, un rusé Normand ; dans le camp du roi, Duguast, insolent et railleur ; Villequier, Quélus, Saint-Luc, Saint-Maigrin, d’Arqués et Grammont. Avec de tels hommes, les querelles, les duels se renouvelaient chaque jour, la guerre civile en était la suite inévitable ; elle eut un chef par la fuite du duc d’Alençon dans la nuit du 15 septembre.

Catherine offrit à Henri III de ramener le fugitif. La voilà donc allant de ville en ville à la poursuite du duc, qui se dérobe toujours. Le 5 octobre, elle entre à Blois ; il en était parti la veille ; le 25, nous la retrouvons au château d’Amboise. La fille de Charles IX et d’Elisabeth d’Autriche, le fils qu’il avait eu de Marie Touchet y étaient élevés. À la vue de cet enfant qu’elle appelle le jeune Charles, la mère reparaît ; il lui semble si beau qu’elle écrit à Henri III : « Plût à Dieu que vous en eussiez un déjà ! il ne faut pas dire que vous n’en avez pas trouvé la façon, il la faut trouver au plus vite. » Enfin, à force de messages échangés, le duc d’Alençon consentit à se rendre au château de Champigny, féodale demeure des Montpensier. Le 20 novembre, une trêve de six mois y était signée. Le plus difficile, c’était de la maintenir et de calmer cette soif d’ambition qui dévorait le duc d’Alençon. Catherine eut recours au moyen tant de fois employé sans succès, au mariage avec Elisabeth. Dans les longs entretiens qu’elle eut avec son fils, elle lui persuadai d’envoyer La Porte en Angleterre. De son côté, elle