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I.

M. Ollé-Laprune, dans une préface pleine d’intérêt et écrite avec une chaleur d’âme toute communicative, nous expose la pensée fondamentale de son œuvre. Cette pensée n’est nullement que la volonté soit le principe de l’affirmation dans tous les ordres de connaissances, ni même le principe exclusif qui domine dans la croyance, mais seulement que « la certitude des vérités morales est d’un ordre à part, d’une qualité spéciale, et qu’elle suppose des conditions personnelles subjectives, sans que la vérité elle-même soit réduite à une valeur purement subjective. » C’est donc seulement dans l’ordre moral que l’auteur défend la cause de la croyance et de la foi et qu’elles lui paraissent susceptibles de donner une certitude objective égale à celle de la connaissance scientifique. Il ne s’agit, bien entendu, que de la foi naturelle, puisque nous sommes en pure philosophie. Tout en se restreignant dans ce domaine, l’auteur demande que l’autre ne soit pas exclu, et il croit de son honneur de déclarer qu’il appartient à la foi chrétienne, à la foi catholique. Mais il prétend aussi se borner au point de vue purement philosophique et démontrer sa doctrine par l’analyse et le raisonnement. Cette doctrine, c’est qu’il y a quatre vérités fondamentales qui ne relèvent pas seulement de l’intelligence, mais aussi de la volonté, qui doivent être des actes de foi en même temps que des affirmations rationnelles ; quatre vérités pour lesquelles l’assentiment est un « devoir. » Ce sont : la loi morale, la liberté morale, l’existence de Dieu, et la vie future. Tels sont les quatre articles de foi de la religion naturelle.

Malgré cette part faite à la croyance et à la volonté, l’auteur paraît très préoccupé de la crainte de rendre la vérité arbitraire. Il fait de l’intelligence et de la croyance une analyse qui nous parait très correcte, tellement correcte même, qu’on se demande sur quoi repose en définitive la thèse propre de l’auteur et s’il n’y a pas disproportion entre les prémisses et les conséquences : « On ne déclare pas une chose vraie parce qu’on le veut, dit-il; l’acte de volonté n’est pas dans la décision par laquelle on prononce sur le vrai et sur le faux... La décision en soi n’est pas un acte libre... C’est la lumière qui détermine l’assentiment... On n’est pas libre de voir ou non. On est seulement libre de regarder, ce qui est autre chose. » Plus loin, l’auteur s’exprime encore en termes plus caractéristiques : « A vrai dire, ce n’est pas la volonté qui juge... Dans aucun cas, le jugement n’est tellement remis à la volonté que la vérité