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par un gigantesque glacier. Il lui faut de larges étendues pour qu’elle y. soit à l’aise; elle les trouve dans le nord-ouest; elle s’y établit et s’y multiplie en paix, sans avoir à supporter, en fait d’intempéries, que des hivers très pluvieux. Qui sait même si des abris temporaires ou cabanes ne la reçoivent pas pendant la saison des pluies? Au nord, cette race n’a jamais eu la faculté de s’étendre plus loin que le 53e degré. Les instrumens à larges éclats manquent à la Scandinavie, alors inhospitalière, peut-être même inaccessible[1].

Pêcheur avant tout et aussi chasseur, mais certainement étranger à toute tentative agricole, l’homme de Saint-Acheul n’a d’autre industrie que de se procurer des armes et des instrumens. Il taille surtout le silex dans une intention assez difficile à préciser à une telle distance ; il en retire à profusion ces palets discoïdes, amincis vers les bords à l’aide de retouches, obtenus par éclats au moyen de la percussion, qui le caractérisent. Peut-être, emmanchés grossièrement, servaient-ils à la fois d’armes de combat et de hachettes propres à abattre et à façonner les branches au moyen desquelles il construisait la hutte destinée à le recevoir dans les déplacemens répétés qui marquaient sa vie.

M. Evans a cherché à apprécier les produits de cette industrie, la plus ancienne dont nous ayons connaissance. Il estime que les éclats simples ou façonnés ayant pu servir de pointes de javelots ou de flèche sont nuls ou du moins tellement rares que l’on ne saurait rien conclure de la présence de quelques-uns d’entre eux, circonstance qui impliquerait l’ignorance de l’arc et même des armes de jet chez ces hommes primitifs. D’autres éclats plus réguliers et retouchés avec soin ont dû servir de grattoir ou de lime. Une catégorie bien plus nombreuse se compose d’instrumens dits « linguiformes » par l’auteur anglais et qui sont ovales et épais inférieurement; allongés supérieurement en une pointe plus ou moins aiguë, ils ont dû servir soit à perforer certaines substances, soit à creuser dans la terre. — Quant aux instrumens ovales ou conformés en amande et amincis le long des bords, ce sont certainement les plus nombreux. Minces proportionnellement, convexes sur les deux faces et le plus souvent symétriques par leur contour, ils offrent des variations de détail dont M. Evans est porté à ne pas beaucoup tenir compte et qui dépendent peut-être uniquement des caprices de l’ouvrier, d’une sorte de mode passagère ou même aussi des accidens de la fabrication. Mais quel était l’usage de cette dernière catégorie d’instrumens, et d’abord en admettant, ce qui semble conforme à la stricte vérité, qu’ils appartiennent exclusivement en

  1. Cependant un crâne extrait des couches coquillières de Stængenæs a été attribué à la race Saint-Acheul par M. de Quatrefages.