Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/851

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils aient obtenue, ne doivent pas être exclusivement considérés. A côté d’eux, on aperçoit d’autres phénomènes, dont il est juste de tenir compte ; voyons ceux qui témoignent du régime exceptionnel des eaux et, par cela même, de l’abondance des précipitations aqueuses.

Un géologue dont nous ne partageons pas toutes les idées, M. de Rosemond, a appliqué aux temps quaternaires le terme de « période pluviaire. » Il a eu raison et on ne saurait mieux dire, car la pluie, surtout en automne et en hiver, c’est la neige sur les montagnes, au-dessus d’une certaine élévation, et la neige accumulée, ce sont les « névés, » source inépuisable des glaciers qui, alimentés par eux, descendent ensuite dans les vallées inférieures et envahissent inévitablement le plat pays si rien ne s’oppose à leur extension. Or, en dehors du périmètre des anciens glaciers dont les races sont reconnaissables, la pluie se manifeste partout, durant l’âge que nous considérons, avec les résultats qu’il lui est donné de produire : alluvions, sables et graviers fluviatiles, développés sur une échelle énorme; niveau des eaux courantes assez élevé pour atteindre à des hauteurs et produire des infiltrations inconnues de nos jours à ces mêmes eaux; enfin, sources permanentes accumulant des monceaux de concrétions et témoignant, par le moyen des empreintes végétales, de l’extrême humidité aussi bien que de la douceur du climat.

Les graviers littoraux, les cordons et les terrasses d’alluvions de cette époque, toujours situés à un niveau des plus élevés, que les eaux des grandes crues devaient nécessairement atteindre, attestent la puissance des fleuves quaternaires. Cette puissance et la force impulsive des cours d’eau sont encore démontrés par la grosseur des matériaux entraînés et roulés. On pourrait alléguer que ces fleuves n’étaient si énormes que parce qu’ils servaient d’émissaires aux glaciers dont ils débitaient les eaux de fonte pendant l’été ; mais la Seine, la Somme, la Durance même ne descendaient alors d’aucun glacier, puisque leurs vallées respectives n’en ont gardé aucune trace: les pluies seules grossissaient leurs cours, et cependant quelle était la puissance de leurs eaux ! La Somme avait un lit large de plus de 1 kilomètre ; la Seine élevait ses eaux à un niveau de 60 mètres ; suivant M. Belgrand, elle aurait roulé depuis 27,000 jusqu’à 60,000 mètres cubes d’eau par seconde, tandis que, de nos jours, ses plus grandes crues donnent seulement 2,416 mètres par seconde. La Durance, dont la pente était aussi rapide que maintenant, avait vis-à-vis de Pertuis une largeur de 5 à 6 kilomètres. Ses graviers anciens s’étagent à 30 mètres au moins au-dessus du niveau moderne. A son embouchure, encore visible et formant un plateau en talus incliné et pierreux, célèbre sous le nom de Grau,