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de tous genres étaient alors de nature à solliciter l’immigration de notre espèce et à faciliter son extension. C’est donc là une pure question de fait qu’il s’agit de trancher, et plusieurs fois déjà on a dû la croire résolue affirmativement. M. de Nadaillac l’examine avec impartialité dans un des chapitres de son ouvrage. M. Desnoyers, le spirituel bibliothécaire du Muséum, observateur des plus ingénieux, avait cru pouvoir signaler, il y a des années, des indices de la coexistence de l’homme et de l’éléphant « méridional. » Il avait observé des incisions intentionnelles sur les ossemens de certains mammifères provenant des sablières de Saint-Prest, près de Chartres; mais ces stries, ces entailles qui semblaient accuser des coups de hache ont été ensuite attribuées avec plus de raison à l’action des animaux et, en dépit des silex taillés recueillis dans ces mêmes sables par l’abbé Bourgeois, les doutes ont persisté, il faut bien l’avouer. Ces doutes sont d’autant plus légitimes qu’ils s’appliquent à d’autres éclats de silex beaucoup plus anciens, recueillis par le même abbé Bourgeois dans les sables de l’Orléanais, près du village de Thenay. Ces silex, qui reculeraient jusque dans le miocène la présence de l’homme au centre de l’Europe, ont eu les honneurs de la dernière exposition, où chacun de nous a pu les voir de près. On sait pourtant que l’incrédulité persistante de beaucoup de savans oppose une fin de non-recevoir à cette découverte, demeurée problématique, et au sujet de laquelle il vaut mieux ne pas insister. Des chocs fortuits, l’action du gel et du dégel, ou simplement les influences atmosphériques, suffisent pour expliquer la présence de pareils éclats. Le fait en lui-même a trop d’importance pour qu’on l’admette sans preuves directes. A l’âge des silex de Thenay, la plupart des séries de mammifères, encore loin de leur point d’arrivée, montrent le règne animal trop imparfait pour que l’homme y ait eu sa place marquée. Si une créature humaine, capable de se fabriquer des instrumens et connaissant le feu, puisque l’on admet l’intervention de cet élément, avait alors existé en France, les progrès une fois inaugurés ne seraient pas restés si longtemps arrêtés au même point. On aurait vu cet être marcher d’un étage à l’autre vers un état plus parfait, et de véritables sociétés humaines auraient finalement peuplé le globe bien avant le quaternaire. Pourquoi d’ailleurs l’Orléanais aurait-il eu le privilège de garder seul des traces de cette nature ? — Des bords de la Loire et des environs de Chartres aux grèves de la Somme, la distance est si petite, que c’est dans un étroit canton du nord de la France qu’il faudrait ramener le berceau originaire de toute l’humanité, son paradis terrestre ! Assurément ce n’est pas absolument impossible, il est vrai ; mais, il faut le dire aussi, ce n’est guère probable, et la réalité n’engendre généralement