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tâche paraissait-elle des plus simples ; il n’avait pour ouvrir sa campagne diplomatique qu’à s’en tenir aux stipulations de Berlin ; elles lui traçaient son programme. Le roi des Pays-Bas ne pouvant disposer d’aucune force hollandaise, le gouvernement français devait, suivant le projet de convention, s’offrir dans un intérêt d’ordre public à remplacer la garnison prussienne ; l’empereur s’entendait directement avec le roi Guillaume III pour en obtenir, moyennant une suffisante indemnité, la cession de ses droits de souveraineté, et il s’engageait à ne rattacher le grand-duché à la France qu’après avoir consulté les populations. Tel était le plan qu’on nous avait proposé et que le ministre des affaires étrangères comptait suivre sans y rien modifier. Il est vrai que, depuis son retour de Varzin en décembre, le président du conseil avait changé d’allures ; il ne tenait plus qu’un langage équivoque ; mais M. de Moustier avait la ténacité du Franc-Comtois, il poussait parfois la persévérance jusqu’à l’obstination. Il se flattait qu’à force de soins et de patience, il finirait par avoir raison du mauvais vouloir qu’on nous manifestait sans cause déterminée. Il avait d’ailleurs le respect de sa parole, et il lui en coûtait de croire que M. de Bismarck, qu’il tenait pour un galant homme, pût manquer à la sienne. C’est dans ces sentimens, et en s’appuyant sur le projet de convention rapporté de Berlin, que le ministre des affaires étrangères ouvrit ses pourparlers avec M. de Lichtenfeld, l’envoyé néerlandais auprès du gouvernement de l’empereur. On ne demandait alors à La Haye que deux choses : conserver le Limbourg avec ses places fortes et se débarrasser du Luxembourg. L’un, on le sait, faisait partie intégrante de la monarchie, bien que rattaché à l’ancienne Confédération germanique ; le second était un fief personnel du roi et créait au gouvernement néerlandais, malgré lui, une solidarité dangereuse avec l’Allemagne, Rien à ce moment ne pouvait donc être plus agréable au cabinet de La Haye que d’être prémuni par une alliance avec la France, conclue avec l’assentiment tacite de la Prusse, contre les éventualités qu’il ne cessait d’appréhender. C’était pour lui presque un coup de fortune d’obtenir, dans ces temps troublés et sans lendemain, une garantie aussi précieuse au prix d’un territoire embarrassant, pouvant d’un jour à l’autre l’entraîner dans les plus fâcheuses complications. Dans les notes que M. de Lichtenfeld passait au gouvernement de l’empereur, le gouvernement hollandais demandait avec instances ce que ferait la France si la Prusse devait se prévaloir d’une communauté de races pour lui dicter une alliance léonine, qui lui permettrait de mettre la main sur son commerce, sur ses positions stratégiques et sur sa marine militaire. Jusqu’à la fin du mois d’août, ces doléances avaient laissé le gouvernement impérial assez indifférent,