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mal l’exploitation. L’expérience a prouvé l’inanité de ce calcul. Mieux vaudrait suivre l’exemple de l’Angleterre, de la France, de tous les pays qui ont une industrie métallurgique, en renonçant à des entreprises qui ne sont pas du domaine de l’État. Si les mines d’Héraclée, etc, étaient cédées à des compagnies particulières, elles procureraient au fisc des revenus nouveaux, peut-être même des ressources immédiates d’une certaine importance. » La commission internationale avait raison de signaler les mines d’Héraclée. Le bassin houiller d’Héraclée est l’un des plus riches et l’un des plus étendus qui existent. Quelque peu exploité autrefois, — par exemple en 1854, au moment de la guerre de Crimée, — il donnait 100,000 tonnes environ par an. On n’en retire plus que de 15 à 20,000 maintenant, les petits entrepreneurs qui y travaillent étant devenus créanciers de l’état de près de 150,000 livres turques (plus de 3 millions de francs), pour fournitures non payées, et n’ayant plus dès lors ni le courage ni les ressources sans lesquels ils ne sauraient continuer leurs travaux. Tout est laissé à l’abandon, les galeries s’éboulent, les chemins s’effondrent, et des 450,000 hectares de bois qui existaient jadis dans la contrée, 50,000 tout au plus subsistent. Le feu a eu raison du reste. Dans des conditions pareilles, il n’est pas étonnant que la marine turque, qui a besoin de 600,000 tonnes de charbon par an, soit tributaire de l’Angleterre pour un produit dont la Turquie regorge, mais qu’on laisse enfoui sous le sol. Il y a plus d’un an cependant qu’un projet de société a été formé par des ingénieurs et des capitalistes européens. Qu’offre cette société ? La fourniture de 100,000 tonnes par an, avec 15 pour 100 de rabais, soit, de ce fait seul, 44,000 livres d’économies. Mais ce n’est pas tout. Elle offre encore le droit de 8 pour 100 sur 1 million de tonnes extraites par an pour faire face aux besoins généraux actuels, le rachat de tout le matériel roulant et autre existant encore, le salut du bassin et des 50,000 hectares de bois que le feu a épargnés jusqu’ici, le travail et la vie pour vingt-cinq mille individus, car la société s’engage à ne prendre que trois cents ouvriers étrangers. De tout cela, le trésor retirerait un revenu annuel de 220,000 livres turques, revenu qui décuplerait si le gouvernement consentait à la construction du chemin de fer de l’Euphrate. On arriverait alors, d’après l’exposé même du ministre des travaux publics, à un produit net pour le trésor de lib millions de livres turques, — plus d’un milliard de francs ! — en vingt ans. Eh bien ! c’est devant une pareille perspective que la commission de Top’Hané n’a pas hésité à décourager les auteurs du projet et à les forcer de quitter Constantinople après plus d’un an d’efforts et de patience, après des dépenses qui se sont élevées à des centaines de mille francs ! « Nous ne voulons pas, disait Namyk-Pacha, créer un grand-duché d’Héraclée ! »