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favorables qu’il espère, i! tirera de ce raccommodement des avantages qui le paieront de toutes ses peines. Il travaille, comme on sait, à consolider son œuvre, à en assurer l’avenir. L’empire qu’il a créé ne dispose jusqu’ici que de ressources insuffisantes ; son budget se solde régulièrement par un déficit considérable, qui, dans l’exercice de 1880, montait à plus de cent millions de marks et qui, chaque année, doit être couvert par les subventions des états confédérés. C’est dire que l’empire vit d’aumônes et qu’il ne sera solidement assis que le jour où il aura conquis son autonomie financière. On souhaite même que ses caisses regorgent, qu’il devienne assez riche pour s’accorder le noble plaisir de faire des largesses à ceux qui aujourd’hui l’assistent de leurs deniers. Aussi M. de Bismarck a-t-il résolu de remplacer les contributions matriculaires par de nouvelles taxes et d’introduire en Allemagne le monopole du tabac, qui produirait un revenu annuel de deux cents à trois cents millions. Dorénavant l’empire allemand deviendrait le bailleur de fonds des gouvernemens confédérés qui sont ses pourvoyeurs et ne seraient plus que ses emprunteurs et ses cliens ; il ne tiendrait qu’à lui de leur faire sentir leur petitesse et leur dépendance. On devine ce que pèserait dès lors la couronne d’un roi de Wurtemberg et que tel grand-duc, qui s’imagine être quelque chose, ne tarderait pas à rendre justice à son néant.

M. de Bismarck estime fort justement que le monopole du tabac vaut bien une messe, d’autant plus qu’il ne sera obligé ni de la dire ni de l’entendre: il en sera quitte pour permettre à chacun de ses nombreux sujets de faire son salut comme il lui plaît. Il n’a jamais fait mystère du marché qu’il se propose de conclure avec l’église. Les concessions qu’il offre au saint-père, le parti du centre les paiera par ses complaisances, et tout semble prouver qu’il a raison d’y compter. « Tant que les négociations n’ont pas abouti, disait dernièrement M. Windthorst, nous devons rester l’arme au pied, en ordre de bataille, et nous garder de noyer nos poudres. » Mais récemment aussi M. Windthorst avait prévenu le Reichstag que certaines questions financières ou autres, qui lui paraissaient troubles, lui sembleraient tout à fait claires, si M. de Bismarck se mettait en peine de contenter le Vatican. Hominis voluntas ambulatoria usque ad mortem, disait-il le 28 avril 1880, ce qui signifie que les volontés humaines sont changeantes jusqu’au tombeau. Cela est vrai pour les gouvernemens comme pour les particuliers, cela s’applique aussi aux assemblées et aux partis politiques. Quelques jours plus tard, quand le gouvernement réclamait un crédit pour couvrir les dépenses résultant de la création d’un conseil économique de l’empire, le chef du parti catholique déclara « qu’il n’était pas encore prêt à voter cette proposition. » Sur quoi de nombreux interrupteurs s’écrièrent : « Faites cesser le Culturkampf, et il votera tout ce que vous voudrez. » Donnant donant est le fond de