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fort influent, qui demain peut-être aura le pouvoir. Il ne tenait qu’au gouvernement français de se concilier la bienveillance du pape. Léon XIII en lui donnant de sérieuses sûretés pour l’avenir. Il connaît trop les hommes et la vie pour ne pas faire la part des entraînemens, des passions ; des sacrifices exigés par les partis, et il n’est pas dans son caractère de subordonner ses combinaisons à ses ressentimens ; il lui en coûte peu de s’entendre avec les hérétiques, pourvu que les hérétiques soient raisonnables. Il avait un faible pour M. de Freycinet; il disait de lui : « C’est un homme comme il faut, qui a le sens politique; je lui ferai des concessions que je ne ferais à nul autre, » Les fanatiques de la libre pensée n’ont pu pardonner à M. de Freycinet ses dispositions accommodantes, et les hommes d’état qui l’ont remplacé ont compté bien plus avec les passions des partis qu’avec les intérêts français.

Le pape ne demandait pas mieux que de transiger sur la question des congrégations ; mais peut-il nous vouloir du bien quand les radicaux, qui se flattent d’être déjà nos maîtres, annoncent tout haut leur dessein de rompre les relations diplomatiques avec le saint-siège, de supprimer le budget des cultes, d’abolir le concordat, de s’opposer par des mesures violentes ou perfides au recrutement du clergé, et quand notre gouvernement, qui se dit modéré, fait consister sa modération à transiger sans cesse avec les intransigeans ? M. de Bismarck a su mettre à profit ces heureuses conjonctures. Si le pape avait trouvé en France des hommes d’état résolus à assurer à l’église les garanties et les tempéramens d’équité qu’elle a le droit de réclamer, il eût tenu au chancelier de l’empire germanique la dragée plus haute, il se fût montré moins conciliant, il eût offert peu de chose pour recevoir beaucoup. Grâce à nous, c’est M. de Bismarck qui recevra beaucoup et donnera peu. a Le gouvernement français, nous écrit-on de Rome, n’a pas compris la pensée dont s’inspirait le Vatican. Il a eu le tort de sacrifier les intérêts de sa politique extérieure aux exigences des partis avancés, sans s’aviser qu’il procurait à M. de Bismarck les moyens de sortir d’une lutte périlleuse où il compromettait son pouvoir et son prestige. Les catholiques allemands, abjurant leurs rancunes, feront campagne avec lui contre la révolution et lui permettront, en votant toutes ses lois financières, de briser les dernières résistances particularistes. On pourra dire alors que le gouvernement de la république n’a rien négligé pour hâter l’unification générale et absolue de l’Allemagne. » Un lion qui ne nous aime guère souffrait d’une épine, profondément enfoncée dans son pied, laquelle le gênait beaucoup dans ses évolutions. Nous nous sommes employés fort obligeamment à l’en délivrer; mais, encore un coup, ne comptons pas trop sur sa gratitude. Les lions ne sont reconnaissans que dans les fables.

Si M. de Bismarck parvient à obtenir du saint-siège les conditions