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de l’Union, eut un grand retentissement et releva partout le courage. Elle lui valut le grade de général.

A la grande bataille de Pittsburgh-Landing, où la jonction du corps de Buell détermina la défaite des confédérés, Garfield se distingua encore par son intrépidité et par la justesse de ses décisions. Il ne tarda pas à être promu à un poste supérieur. Le 20 février 1863, il fut nommé chef d’état-major de l’armée du Cumberland, commandée par le général Rosecrans, qui opérait alors dans le Tenessee contre les forces de Bragg. Rosecrans, après avoir passé plusieurs mois à organiser les élémens assez disparates de son armée, hésitait à marcher en avant. Garfield l’y décida par un rapport qui est, disent les spécialistes, un chef-d’œuvre. C’est lui qui, en réalité, traça tout le plan de la campagne de Tullahoma, dont M. Whitelaw Reid, dans son histoire de cette guerre, a pu dire que « la conception première en fut parfaite et l’exécution excellente. » A la bataille si disputée de Chickamauga, le coup d’œil et la bravoure personnelle de Garfield vinrent, au dernier moment, apporter un secours indispensable à l’héroïque résistance du général Thomas, et sauver ainsi l’armée fédérale d’un désastre. Il eut son cheval tué sous lui et, au milieu du feu le plus meurtrier, il établit une batterie qui arrêta un mouvement tournant de l’ennemi. Ce fut son dernier fait d’armes.

Il avait été élu, dans l’Ohio, membre du trente-huitième congrès qui devait se réunir en décembre 18(53. Le président Lincoln, à qui il était allé rendre compte de la situation de l’armée du Cumberland, le pria de venir occuper son siège à la chambre. « Ce qu’il nous faut, disait-il, c’est un orateur qui, ayant vu la guerre de près, puisse faire comprendre au congrès les besoins de l’armée et les sacrifices qu’exige encore le triomphe définitif de notre cause. » Il lui en coûta de se rendre à l’appel du président. Le général Thomas l’appelait à ses côtés : il voulait lui confier le commandement d’un corps d’armée. Il lui fallait renoncer à sa commission de général-major qu’il venait de recevoir. Il regrettait surtout de perdre de vue ce glorieux 42e, décimé par le feu ennemi et son drapeau déchiqueté par les balles. Mais l’armée elle-même joignit ses instances à celles de Lincoln. Il céda et, comme représentant de l’Ohio, il prit place au congrès, qu’il ne quitta que pour monter au fauteuil de la présidence.

De l’avis unanime, le jeune général avait montré, pendant ces deux années de service actif, des aptitudes militaires de premier ordre. En prononçant l’éloge funèbre du général Thomas, il a décrit admirablement les qualités que doit posséder aujourd’hui un commandant d’armée. Ce sont, affirment des appréciations compétentes, celles qui précisément le distinguaient lui-même. « La vie de Thomas,