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temps, pour subsister, il donne des répétitions, et met ses bras robustes au service des fermiers du voisinage. On sait qu’il existe maintenant, aux États-Unis, plusieurs universités organisées de façon à permettre aux étudians de gagner de quoi vivre, en exécutant des travaux manuels pendant une partie de la journée. Le jeune Garfield acheva ses études à Williams-College, une des maisons d’éducation les plus anciennes et les plus renommées de la Nouvelle-Angleterre. Tout en excellant aux exercices de gymnastique, il se distinguait dans l’étude des langues anciennes et de la philosophie. L’éclat de ses compositions littéraires, sa présence d’esprit et son éloquence comme contreversiste, le mettaient hors de pair. Il publia dès lors plusieurs essais sur des sujets philosophiques dans la Williams Quarterly Review. En 1856, quand il prit « ses degrés, » il remporta « l’ovation » pour la métaphysique, distinction très exceptionnelle. U avait alors vingt-cinq ans. La fermeté de son esprit et l’élévation de ses idées ont laissé une impression durable chez ses maîtres et chez ses condisciples. L’un d’eux disait à M. Mason : « Jeunes encore, nous ne pouvions comprendre toute la grandeur du caractère de Garfield ; mais nous la sentions pourtant, car son extérieur et la moindre de ses paroles nous la révélaient. »

Les idées religieuses occupaient une large place dans son âme. Il ne se contenta pas des formes extérieures du culte. Pendant son séjour au collège de Geauga, il s’était affilié à la secte des « disciples du Christ » ou « campbellistes. » il ne sortait point ainsi de la grande communion protestante ; mais il se l’assimilait d’une manière plus personnelle et plus intime. La dogmatique de la secte était des plus simples. Il suffisait de croire au Nouveau-Testament. Toute formule humaine de la vérité divine, imposée en tant que condition à l’admission, était repoussée comme un attentat à la liberté du chrétien régénéré. Tocqueville, ayant remarqué que le sentiment religieux était le fondement solide de la démocratie américaine, en avait conclu que la religion est la condition de la liberté. « Il faut, dit-il, qu’un peuple croie ou qu’il serve. » Depuis lors, « l’infidélité » est devenue plus fréquente aux États-Unis. Cependant toutes les paroles prononcées par le président font voir que, quant à lui, sa piété était restée vivante. Les « disciples du Christ » avaient fondé à Hiram, près de Cleveland, une école pour former leurs pasteurs, qui avait acquis en peu de temps une grande célébrité. Quand il eut passé ses derniers examens, Garfield y fut nommé professeur de langues anciennes et de littérature anglaise. Après une année de professorat, il fut promu à la présidence de la faculté. En peu de temps, le bûcheron des forêts d’Orange-Town,