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dans l’exercice d’une profession qui, après tout, est libre, et de défendre à un propriétaire de recevoir dans une chambre de sa maison des individus qui trouvent bon de s’y loger. Puis il faut avouer que les circonstances ne se prêtaient guère au succès d’une entreprise dont la poursuite aurait rencontré bien des résistances. La préfecture de police entrait alors dans cette crise redoutable où elle a failli sombrer et au milieu de laquelle elle se débat encore aujourd’hui. Au bout de quelques mois, le préfet de police qui s’était fait honneur en apposant son nom au bas de cette ordonnance était amené à donner sa démission, et l’ordonnance elle-même, passée à l’état de lettre morte dès le lendemain de sa naissance, allait grossir, aux archives de la préfecture de police ce qu’on pourrait appeler le dossier des bonnes intentions.

Y a-t-il là cependant un problème insoluble? En aucune façon. Rien ne serait facile comme d’assainir les garnis à Paris. Si l’on ne veut pas, ce qui serait la meilleure solution, soumettre la profession de logeur à l’autorisation préalable, comme l’était autrefois celle de marchand de vins, il n’y aurait qu’à s’inspirer de ce qui a été fait en pays étrangers. Il y a quelque trente ans, les garnis de Londres n’étaient pas moins insalubres que ceux de Paris. Aucune surveillance n’y était exercée, ni au point de vue de l’hygiène ni au point de vue de la décence. La promiscuité la plus malsaine et la plus brutale y régnait sans contrôle. Qu’ont fait nos voisins? Ils ont édicté, à partir de 1851, une série de prescriptions législatives aujourd’hui fondues, en ce qui concerne du moins la métropole, dans le General Sanitary Act de 1875. Cet acte ne s’est pas contenté de fixer pour chaque dortoir un cubage proportionnel au nombre des habitans. Interdiction a encore été faite aux logeurs de recevoir dans le même cabinet plus de deux personnes de sexe différent, fût-ce des enfans demeurant avec leurs parens, à moins qu’ils ne soient âgés de moins de dix ans. Ces prescriptions, qui sont affichées dans tous les garnis de Londres, reçoivent, j’ai pu m’en assurer par mes yeux, une exécution très scrupuleuse. Afin de pouvoir s’y conformer, les logeurs ont dû couper leurs dortoirs au moyen de cloisons en bois, d’une hauteur d’environ 6 pieds, formant autant de petits cabinets sans plafond, ce qui assure la décence autant que l’aération. Enfin, comme nos voisins n’y vont pas de main morte en matière de précautions hygiéniques, lorsqu’un cas de maladie contagieuse se déclare dans un garni, l’officier médical du district doit être immédiatement appelé, et sur son ordre le malade doit être transporté d’office dans un des hôpitaux spécialement affectés aux maladies contagieuses. Quoi de plus simple que d’entrer dans cette voie et de régler législativement la question des garnis comme on a réglé celle des logemens insalubres, sauf à réserver pour un règlement d’administration