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LA MISERE A PARIS

II.[1]
LA POPULATION NOMADE, LES ASILES DE NUIT ET LA VIE POPULAIRE.

Posséder un lit, une commode, avec deux ou trois chaises, c’est déjà un certain degré d’aisance et de dignité relative. « Je suis dans mes meubles; le lit et les tableaux sont à moi, » vous dira non sans orgueil une chiffonnière en vous montrant un vieux bois de lit rempli de chiffons et quelques mauvaises gravures mouchetées de taches noires. Pour bien des gens en effet, la phase de l’irrémédiable détresse date du jour où, réduits par une saisie à ce minimum de propriété dont la loi ne permet de dépouiller personne, le lit, les instrumens de travail, et les effets personnels, ils ont commencé de garnis en garnis le cours d’une lamentable odyssée. Lorsque, dans quelque cabinet meublé (suivant l’expression générique) large de deux à trois mètres, vous trouvez toute une famille, mari, femme, quatre ou cinq enfans entassés, et que vous voyez suspendues à la muraille une couronne de mariée, une photographie d’enfant, épaves sauvées du naufrage, vous n’avez pas besoin de leur faire raconter leur histoire,

  1. Voir la Revue du 15 juin.