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Toute la terre ne le verrait pas, mais seulement les pays situés sur une ligne étroite, et, comme il y ferait jour, les apparences de la queue seraient effacées ; d’autre part, l’hémisphère opposé serait abrité de la queue par l’interposition de la terre elle-même. Une telle rencontre s’est faite ou a failli se faire en 1881 : la belle comète visible à cette époque devait passer à son nœud le 28 juin, et sa queue traverser l’orbite terrestre en un point où la terre arrivait de son côté à toute vitesse, mais elle y passa cinq heures trop tard : la terre était déjà loin, n’ayant manqué la comète que de bien peu. Cependant comme la queue était large et que son étendue dépassait 5 degrés, M. Valz annonçait qu’elle devait toucher la terre. Leverrier ne le croyait pas, M. Lœvy penchait pour l’affirmative, et M. Liais affirmait que non-seulement la terre, mais aussi la lune, devaient être rencontrées. On fit quelque publicité ; M. Hind en informa le monde par une lettre au Times, et le monde, bien différent de ce qu’il était en l’an 1000, s’en était médiocrement ému ; le moment vint, et rien ne se produisit. A la vérité, M. Hind et un petit nombre d’autres personnes ont affirmé avoir remarqué dans le ciel une phosphorescence inusitée. Mais ce fut tout, et il n’y eut pas la plus petite apparence de cataclysme : ou bien nous n’avons pas été balayés par la queue, ou, si nous l’avons été, c’est que ce coup de balai est inoffensif.


VII.

Le déluge, décrit avec tant de précision dans les livres hébreux et qui est resté comme un vague souvenir dans la mémoire des peuples païens, a peut-être été la conséquence d’une collision. Depuis lors, il ne s’est rien fait de pareil ; il n’est point tombé de comètes, mais la terre est à chaque instant rencontrée par des bolides ou des météorites. Cette question mérite de nous arrêter.

On a cru pendant longtemps que l’espace ne contient rien autre chose que de grandes agglomérations de matière : étoiles, planètes, satellites ou comètes. Nous savons aujourd’hui qu’il est rempli à profusion de matériaux de toute taille, dont le nombre et l’importance grandissent à mesure qu’on les observe mieux. Ainsi l’on avait remarqué depuis longtemps que la distance entre les orbites de Mars et de Jupiter est beaucoup plus grande que ne l’indique la loi qui règle la distribution des planètes ; il en manquait une : on en découvrit d’abord quatre. Cérés, Pallas, Junon, Vesta; puis, à mesure que les lunettes devenaient meilleures, on s’aperçut que cet espace est une véritable mine où l’on trouva successivement près de deux cents petits astres, circulant dans le sens direct, enveloppés d’une